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Libération
Violences conjugales

Femme défenestrée par son compagnon au Mans : la cour d’appel ordonne l’indemnisation totale

Paraplégique après avoir été défenestrée par son compagnon en 2013, la jeune femme, victime de violences conjugales récurrentes, avait été déclarée en partie responsable de sa situation par le Fonds de garantie des victimes, qui refusait de l'indemniser en intégralité.
(Photo Loïc Venance. AFP)
publié le 10 juillet 2019 à 16h52

La cour d'appel d'Angers a tranché : Aïda (1), jeune trentenaire devenue paraplégique après avoir été défenestrée par son compagnon, dans la nuit du 25 août 2013 au Mans, n'est en rien responsable de ce qui lui est arrivé. Après des mois de bataille judiciaire et une vive indignation jusqu'aux bureaux des ministères (Marlène Schiappa s'était dite «prête à intervenir dans cette affaire»), cette victime de violences conjugales va donc, enfin, percevoir l'indemnisation totale qui lui est due.

A la suite du procès de son mari en juin 2016 (qui a écopé de quinze ans de prison), Aïda n'avait été indemnisée que de 67 500 euros sur les 90 000 fixés par la cour d'assises. La raison : le Fonds de garantie de victimes (FGTI), qui devait lui verser cette somme (en substitut du condamné insolvable), avait décidé de réduire son droit d'indemnisation au motif qu'elle avait «contribué à son propre dommage» le soir du drame.

«Aucun lien de causalité directe»

Cette nuit-là, Aïda avait tenté de fuir son agresseur et leur appartement, en alertant le Samu social, des amis et sa famille. Faute de solution concrète d'hébergement, elle avait fini par rentrer chez elle, avant que son agresseur la défenestre de la fenêtre de la cuisine, située au deuxième étage. «Une faute civile» selon le FGTI, qui estime qu'elle n'aurait pas dû retourner au domicile conjugalSi cette appréciation avait été confirmée a posteriori par la Commission d'indemnisation des victimes d'infraction (une juridiction siégeant dans chaque tribunal de grande instance) en février 2018, la cour d'appel d'Angers vient d'acter définitivement dans le sens inverse. «Il apparaît qu'il n'existe aucun lien de causalité directe entre les faits de violences de nature criminelle dont madame a été victime et la décision de rejoindre son compagnon dans l'appartement, peut-on lire dans l'arrêt de la cour rendu mercredi. Même si le comportement de la victime peut être considéré rationnellement comme risqué […] cette simple imprudence commise par une jeune femme sous l'emprise de son compagnon et se retrouvant sans solution d'hébergement ce soir-là ne peut être qualifiée de faute et ne saurait limiter l'indemnisation d'un dommage auquel elle n'a contribué en aucune façon.»

(1) Le prénom a été modifié.