Des conditions de travail «dégradées» sur fond de «sentiment d'abandon». Dans un rapport parlementaire dévoilé mercredi, les membres d'une commission d'enquête de l'Assemblée nationale alertent sur le quotidien des policiers et des gendarmes. Pour son rapporteur, Christophe Naegelen (UDI-Agir), «il y a urgence à intervenir». Ces conditions de travail sont «déplorables», renchérit le président de la commission d'enquête, Jean-Michel Fauvergue (LREM), ancien patron du Raid, qui met notamment en cause «la vétusté des bâtiments et un manque de moyens logistiques et techniques».
D'après les chiffres de la Direction des ressources et des compétences de la police nationale (DRCPN), la direction générale de la police nationale (DGPN) comptait 22 % d'immeubles vétustes (28 % pour la préfecture de police de Paris) et la gendarmerie fait savoir que 80 % de ses casernes ont plus de 50 ans. Le rapport souligne aussi le caractère «vieillissant» du parc automobile.
Ces difficultés matérielles, exacerbées par l'augmentation d'une pression opérationnelle jugée «inédite», s'accompagnent souvent d'un malaise et d'un mal-être que la gestion des ressources humaines peut raviver. Les heures supplémentaires cristallisent les tensions : elles montent jusqu'à plus de 123 millions, soit une moyenne de 164 heures supplémentaires par agent, comme le signalait déjà un rapport sénatorial en 2018. En décembre, les syndicats de police s'étaient saisis du problème pour exprimer leur ras-le-bol, réclamant le paiement de leurs heures supplémentaires en retard, après un mois de mobilisation intense des gilets jaunes.
Ces conditions de travail éprouvantes ne sont pas nouvelles, et régulièrement dénoncées par les syndicats. En juillet 2018, le Sénat publiait lui aussi un rapport sur «l'état des forces de sécurité intérieure» qui alertait sur les mêmes écueils. «Ce rapport insistait surtout sur les risques psychosociaux», se défend Christophe Naegelen, qui veut voir dans la synthèse des études de l'Assemblée un «travail pragmatique, englobant à la fois la question du malaise, mais aussi celles des conditions de travail des forces de l'ordre».
En guise de spécificité, les députés mettent en avant le nombre de visites réalisées directement sur le terrain (entre 250 et 300), en plus des auditions effectuées dans le cadre des commissions parlementaires. Plus encore, 13 735 gendarmes, policiers et réservistes ont été consultés par l’intermédiaire d’un questionnaire en ligne.
Pour contrer la dégradation des conditions de travail des forces de l'ordre, les parlementaires de la commission d'enquête plaident pour une réforme profonde la sécurité intérieure. A la rentrée, un livre blanc sera initié sous l'égide du ministère de l'Intérieur. Ce qui ne satisfait que partiellement le rapporteur : «Il y a urgence à prendre une décision. On ne peut pas toujours relancer des Grenelle, recréer des livres blancs, sans passer à l'action.»