Menu
Libération
François de Rugy

Grands crus, HLM et dressing : les casseroles du ministre

Les révélations se sont multipliées depuis mercredi sur Rugy et sa directrice de cabinet, Nicole Klein. Retour sur les premiers dossiers révélés par «Mediapart».
François de Rugy, lors d'une visite à Niort, le 11 juillet. (GEORGES GOBET/Photo Georges Gobet. AFP)
publié le 11 juillet 2019 à 20h56

«Mission accomplie.» Au mois d'août 2017, François de Rugy, alors président de l'Assemblée, se réjouissait de l'adoption de la loi sur la moralisation de la vie politique qui instaurait un contrôle plus strict, entre autres, des frais des députés. Deux ans plus tard, mission accomplie ? Pas vraiment si on lit Mediapart depuis mercredi. Le site d'information épingle dans un feuilleton qui compte déjà trois épisodes le train de vie de Rugy et de son épouse, Séverine Servat de Rugy. Sans compter la dernière affaire concernant un appartement à Orvault, dévoilée par le site jeudi soir.

Tout commence avec la publication matinale, mercredi, d'une enquête dont le titre annonce la couleur : «La vie de château sur fonds publics des époux de Rugy». Photos, témoignages et documents à l'appui, l'article affirme que Rugy, à l'époque où il était président de l'Assemblée, a organisé avec son épouse une dizaine de dîners (entre octobre 2017 et juin 2018) déconnectés de l'exercice de sa fonction. Ces agapes ont eu lieu à l'hôtel de Lassay, mitoyen du Palais-Bourbon, où résident les tenants du Perchoir. Des dîners où l'opulence est de rigueur : grands crus à 500 euros la bouteille, verres en cristal, homards géants… Et surtout, aux frais de l'Assemblée. Les photos sont massivement relayées sur les réseaux sociaux tandis que le principal intéressé fustige sur France Inter, une enquête «pamphlétaire».

«J'assume totalement qu'un président de l'Assemblée nationale, comme un ministre, rencontre dans un cadre informel le soir dans des dîners […] des responsables d'entreprise, des responsables de la culture, des responsables de l'université», s'est défendu le ministre de l'Ecologie. Mais pour Mediapart, ces dîners étaient privés et peuplés «essentiellement des amis de Séverine de Rugy et de son mari».

Selon la députée LREM Aurore Bergé, la liste des invités est désormais entre les mains de la déontologue de l'Assemblée, qui sera chargée de trancher. Mais le problème va plus loin pour Tris Acatrinei, la fondatrice du Projet Arcadie, plateforme d'informations parlementaires qui compile et vérifie toutes leurs données publiques : «Il y a un tel mélange des genres que rien ne délimite budgétairement ce qui relève de la fonction de président de l'Assemblée et ce qui survient dans le cadre privé.» Il s'agit en effet d'une véritable zone grise : «Dans le règlement de l'Assemblée, comme du Sénat, rien ne détaille combien on peut dépenser en frais de bouche, en dîner, etc.»

A la sortie du Conseil des ministres, Rugy poursuit sa contre-attaque contre ce qu'il qualifie de «parti pris militant», brandissant son bilan de réformes en bouclier. L'ex-président de l'Assemblée se targue d'avoir réduit de 13 % les frais de réception lors de son mandat, en plus d'avoir opéré une réduction de 34 % du budget transports, ce que confirme Tris Acatrinei. Quant au budget de réception au ministère de l'Ecologie, François de Rugy assure l'avoir «divisé par trois».

«Travaux de confort»

Pas le temps de souffler. Mercredi soir, Mediapart révèle que la directrice de cabinet du ministre depuis octobre 2018, Nicole Klein, a bénéficié d'un logement HLM à Paris entre 2008 et 2016, alors qu'elle travaillait en dehors de la capitale. Dans la foulée, Klein annonce sa démission et insiste bien sur le fait qu'elle part «à la demande du ministre».

Un peu plus tard dans la nuit, Rugy publie de son propre chef sur Facebook «l'intégralité des éléments de réponse apportés à Mediapart» à propos des dîners. Il livre également de nombreuses justifications sur des faits nouveaux, pas encore révélés par le journal. En cause, cette fois, des travaux que le couple a fait réaliser dans leur logement de fonction du VIIe arrondissement, à partir de novembre 2018, quand Rugy est passé de l'Assemblée au ministère de l'Ecologie après la démission de Nicolas Hulot. Voulant être «transparent», Rugy anticipe en fait la sortie d'un deuxième volet de l'enquête de Mediapart (qui sera publié jeudi matin) et met en ligne le comparatif des devis effectués, se défendant de toute malversation quant au montant élevé des travaux, lié au «caractère très particulier des lieux» de cet hôtel de Roquelaure construit au XVIIIe siècle. Il insiste aussi sur la «nécessité» de ces rénovations. Pour Mediapart, pourtant, il s'agirait de «travaux de confort» accomplis par des prestataires qui ne figuraient pas parmi «les moins onéreux».

Coût total des opérations pour le ministère : quelque 63 000 euros, dont plus de 35 000 euros dépensés pour la peinture, près de 3 000 euros en moquettes, 6 000 euros pour les salles de bain et un immense dressing pour la modique somme de 17 000 euros.

«Mélange des genres»

Mediapart cite l'entourage de Hulot, pour qui l'appartement était certes «triste» mais «nickel». Un jugement démenti par le fondateur d'Ushuaïa en personne dans une déclaration à l'AFP : «Cet appartement baignait dans son jus. Je n'ai fait aucuns travaux, je savais que je n'étais que de passage, mais je peux comprendre qu'une famille ait envie de le rafraîchir un peu.»

Et le grand dressing ? «Ce n'est pas vraiment un dressing, ce sont des placards. Quand on est arrivés, il n'y en avait pas», se défend Séverine Servat de Rugy. Pour Tris Acatrinei, encore une fois, «dès le départ, il y a un mélange des genres. Les ministres sont amenés à vivre sur place. Dans les pays nordiques, ils rentrent tous chez eux après leur journée, il n'y a pas de problème de ce genre».