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Libération

Epanchements d’urine dans les gares : la SNCF en miction impossible

par Valentine Watrin
publié le 14 juillet 2019 à 20h26

Depuis mai, les usagers des Mureaux (Yvelines) sont les premiers à tester le nouveau dispositif présenté jeudi par la «Nudge Unit» de la SNCF. Fondée il y a trois ans, cette cellule crée des nudges (des «incitations coups de pouce») inspirées des sciences comportementales pour orienter vos décisions dans le sens de l'intérêt commun. Et cette fois-ci, la «Nudge Unit» s'attaque à la terreur de tout citadin disposant d'un odorat fonctionnel : l'urine sauvage.

Dans cette gare des Yvelines située sur la ligne J du Transilien, l’incivilité des usagers devenait ingérable, nous dit-on. A l’angle extérieur du bâtiment et dans le souterrain, certains avaient pris l’habitude de snober les toilettes publiques installées à l’entrée.

Mais à en croire la «Nudge Unit», tout ça, c'est fini. Après des semaines d'expérimentations, l'équipe a fait retaper les endroits de la gare : les murs sales et humides ont été nettoyés, repeints et convertis en… aires de jeu.

Dehors, les couleurs flashy d'une piste de course pour enfants ont remplacé les traces de moisissure et, dans l'angle des couloirs, deux personnages jouant avec un ballon se sont substitués au vieux carrelage glauque. Avec un petit twist : les ballons ont été recouverts de peinture hydrophobe. «Si vous urinez dessus, votre urine rebondit et retourne à l'envoyeur», explique Benoit de Fleurian, directeur général d'Ogilvy Paris, cabinet de conseil associé au projet de lutte contre «l'épanchement d'urine».

Cette problématique est prise au sérieux par la SNCF, qui débourse pour l'occasion plus de 80 000 euros, et se fixe deux objectifs : donner au lieu une nouvelle fonction et y ramener du monde. «Maintenant, ça n'a plus du tout l'air d'un urinoir, se félicite Benoit de Fleurian. En incitant les enfants à venir s'y amuser, on rétablit une forme de contrôle social. C'est dissuasif, car personne n'a envie d'uriner devant des enfants !»

A l'aide de capteurs, les concepteurs du dispositif ont comparé le nombre de fois où l'on a uriné sur les murs de la gare avant et après le Nudge. «On observe une réduction du nombre d'actes de 88 %», se réjouit le chercheur associé Nicolas Fieulaine. 150 actes contre 20 le mois d'après. Enthousiasmée par les résultats, la SNCF prévoit d'étendre le dispositif aux gares de Grigny, Corbeil-Essonnes et Melun, puis à terme à toutes les gares qui le demandent.

Toute fois, l'initiative n'a pas éradiqué le phénomène. «Les derniers cas observés se situaient autour de 1 heure et 5 heures du matin, observe Benoit de Fleurian. Il s'agit surtout de gens qui rentrent en ayant bu quelques verres, il n'y a pas de monde autour, alors ils se lâchent.»

«Si l'on voulait vraiment faire disparaître le problème, il faudrait proposer une offre supplémentaire de WC gratuits, reconnaît le directeur général d'Ogilvy Paris. Il y a un manque dans l'offre actuelle.» Les chiffres sont parlants : si les 394 gares du réseau Transilien accueillent chaque jour plus de 3 millions de passagers, moins de 200 d'entre elles sont équipées de toilettes. Sans WC pour uriner dans les règles, impossible de garantir la propreté des lieux publics.