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Libération
à la barre

A Rennes, deux militants anti-chasse à courre face à leurs agresseurs

Dix à quatorze mois d’emprisonnement avec sursis et des interdictions de participer à la chasse ont été requis contre les cinq prévenus, pour des faits qui se sont produits le 2 février dans la forêt de Paimpont.
Chasse à courre organisée en 2017 dans une forêt du Loiret. (Lionel BONAVENTURE/Photo Lionel Bonaventure. AFP)
publié le 16 juillet 2019 à 20h10

C'est dans une salle exiguë du tribunal correctionnel de Rennes, où seuls des partisans convaincus de la chasse à courre, ou presque, avaient pu prendre place, que s'est déroulé mardi après-midi le procès de cinq d'entre eux, poursuivis pour «violences volontaires en réunion ayant entraîné plus de huit jours d'interruption temporaire de travail (ITT)». Serrés sur le banc des parties civiles : deux jeunes militants d'Abolissons la vénerie aujourd'hui (AVA), un collectif qui depuis plusieurs mois multiplie les actions en forêts contre une pratique jugée «barbare».

Le jour des faits, le 2 février, les deux victimes, Claire L. et Christophe R., se trouvaient en forêt de Paimpont (Ille-et-Vilaine) où se déroulait une chasse à courre lorsqu'ils ont été pris à partie par quatre «suiveurs» qui accompagnaient la chasse en vélo et le responsable de la meute de chiens (un «piqueux» dans le jargon de la vénerie) engagée dans cette chasse.

Trente et quinze jours d’ITT

Rapidement bousculée et molestée, la jeune femme glisse dans un fossé rempli d’eau où l’un des agresseurs lui maintiendra la tête immergée. Pendant ce temps, son compagnon aurait été frappé à coups de pied pendant qu’il était maintenu à terre par deux solides gaillards qui tenteront de lui arracher sa caméra GoPro, la main d’un des agresseurs lui serrant fermement le cou.

Devant le tribunal, le procureur a stigmatisé des faits d'une «extrême violence», établis selon lui par les investigations et les certificats médicaux qui accorderont respectivement trente et quinze jours d'ITT à la jeune femme et à son camarade. «Il aurait pu y avoir asphyxie avec risque de noyade», a-t-il relevé, concernant les violences subies par Claire L., qui en gardera un traumatisme psychologique prolongé avec «un stress aigu, troubles du sommeil et cauchemars».

«Je n’arrivais plus à respirer ni à parler»

A la barre, la jeune femme évoque d'une voix tremblante une longue séquence où, après être tombée dans le fossé et être parvenue à en sortir, elle y aurait été à nouveau traînée par deux de ses agresseurs, l'un d'eux lui maintenant à plusieurs reprises la tête sous l'eau tout en lui demandant de déclarer qu'elle ne reviendrait jamais plus en forêt. «J'ai reçu des coups, je ne savais pas d'où ça venait, souffle-t-elle. On me maintenait la tête sous l'eau et on la relevait quelques secondes pour que je dise oui. Plus ça allait, plus ça durait. Je me suis dit que j'allais mourir là. Une telle violence, ça fait peur.» Christophe R., tee-shirt noir et cheveux courts, se souvient pour sa part d'une main qui commençait à «serrer très fort». «Je n'arrivais plus à respirer, ni à parler, ils étaient trois contre moi», déclare-t-il à la barre.

De leur côté, les cinq prévenus ont tenté de minimiser les faits, évoquant à plusieurs reprises le harcèlement systématique dont ils étaient victimes de la part des militants d’AVA, ces derniers étant accusés de perturber les chasses à courre en désorientant les chiens à l’aide de citronnelle ou de sons de piboles (sortes de petites trompes en cuivre utilisées en vénerie).

«Jamais je n'ai essayé de noyer cette personne», affirme Frédéric H., un ancien militaire, salarié de l'association Rallye Bretagne qui organisait la chasse à courre, accusé des principales violences sur la jeune femme. «Ces gens-là sont venus 32 fois nous perturber durant la saison, vous imaginez la pression», ajoute-t-il, précisant qu'il aurait seulement voulu arracher la caméra GoPro que portait également la militante.

«Des gens ordinaires» 

Un jeune employé dans l'agro-alimentaire qui aurait exercé les pressions sur le cou de Christophe R. dément de son côté avoir eu de tels gestes, évoquant seulement une «bousculade» et qualifiant devant le tribunal les deux victimes «d'énergumènes inqualifiables». Les trois autres prévenus, un boucher, un retraité et un agriculteur, s'en tiennent également à la thèse d'une simple «bousculade». Ce mot reviendra aussi dans la bouche de Me André Raiffaud, leur défenseur, pour qualifier les violences en cause. Celui-ci a en outre défendu «des gens ordinaires dont la seule passion était de suivre des chasses à courre».

Après les réquisitions du procureur, qui a demandé de dix à quatorze mois d'emprisonnement avec sursis et des interdictions de participer à la chasse durant trois ans, l'avocat a en outre mis en garde le tribunal contre des «réquisitions démesurées», susceptibles de déclencher «une guerre rurale». Défendant une pratique (la vénerie) réglementée et légale, il a réclamé de simples amendes avec sursis. Jugement le 25 juillet.