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Sécurité

Paris veut reprendre sa sécurité en main avec une police municipale

La maire de Paris, Anne Hidalgo, a rencontré mardi les agents qui seront chargés à partir de 2020 de lutter, entre autres, les incivilités et les nuisances sonores dans la capitale.
Anne Hidalgo a rencontré mardi les nouveaux agents affectés à la future police municipale parisienne. (Photo Jacques Witt. SIPA)
publié le 16 juillet 2019 à 20h16

Doter Paris d'une police municipale dès 2020. C'est l'objectif que s'est fixé la maire de la capitale, Anne Hidalgo, qui passait en revue mardi une soixantaine d'agents mobilisés pour lutter contre les incivilités. Nuisances sonores, jets de mégots, stationnements gênants… Cette police aura pour vocation d'assurer la «tranquillité publique», au «plus près du citoyen», selon les mots de son futur directeur, Michel Felkay, aujourd'hui à la tête de la Direction de la prévention, de la sécurité et de la protection (DPSP) de la ville.

Pas de pistolet 9 mm semi-automatique ou de Taser

L’ancien patron de la BAC de nuit à Paris sera chargé du commandement de 3 400 agents, soit la plus grosse force de police municipale du territoire. A pied, à vélo ou à trottinette, les fonctionnaires ne seront pas équipés d’un pistolet 9 mm semi-automatique ou de Taser, comme certains de leurs homologues ailleurs en France, mais de gaz lacrymogènes et de matraques dites «tonfa» à n’utiliser qu’en cas de légitime défense, sur le modèle de Lille, Bordeaux et Grenoble.

A la mairie, on le martèle : cette police municipale n'empiétera pas sur les plates-bandes des policiers de la préfecture. «Nous ne serons jamais en charge de la sécurité» , assurait mardi Emmanuel Grégoire, premier adjoint de Hidalgo. «Notre compétence n'est pas d'arrêter les bandits. Tout ce qui concerne la petite, moyenne et grande délinquance n'est pas de notre ressort» , complète Michel Felkay. Quoi qu'il en soit, il s'agirait d'une première pour Paris, qui n'a jamais disposé de police municipale en raison de l'exception historique qui place le pouvoir de police entre les mains du préfet, et non du maire. Une modification du cadre légal en 2017 avait déjà permis un premier transfert de compétences relatif aux activités de cette police municipale du «quotidien», qui doit attendre l'examen du projet de loi «engagement et proximité» pour voir ses prérogatives élargies et permettre, par exemple, à ses agents de verbaliser de façon uniforme les auteurs d'infractions.

Car cette police municipale ne sera pas créée de toutes pièces. La plupart de ses futurs agents sont déjà en exercice. La DPSP compte 3 200 agents, répartis entre ASP, les «Pervenches» chargées du stationnement, et les inspecteurs de sécurité (ISVP), qui contrôlent la propreté et les nuisances sonores. Les principales nouveautés mises en avant par la Ville concernent l'arrivée dans le groupe cet été de 35 «médiateurs» vêtus de rouge bordeaux formés à la prévention des rixes, du harcèlement de rue ou à intervenir sur des événements festifs tels que Paris Plages. Equipés de sonomètres, les futurs policiers municipaux seront également «très présents dans les squares, près des terrasses de café», promet Michel Felkay, alors que le bruit est «la première nuisance identifiée par les Parisiens». Ils sanctionneront, entre autres, le non-respect des normes antipollution (comme l'absence de vignette Crit'Air sur les véhicules), et on les retrouvera à la sortie des «stations de métro anxiogènes» aux aurores et tard le soir, ou encore de permanence dans des kiosques pour renseigner la population. Car c'est avant tout un enjeu de visibilité qui se joue. Colombe Brossel, adjointe à la sécurité, vante derrière une force de police «unifiée et identifiable» une présence «destinée à rassurer, à apaiser la population, à terme joignable par téléphone 24 heures sur 24, 7 jours sur 7». Mathieu Zagrodzki, chercheur en sciences politiques spécialisé dans la sécurité quotidienne et la police : «Créer une police municipale ou mettre en place un système de vidéo protection sont des réponses très visibles, qui envoient un message politique fort.»

Des «maraudes de policiers» de «moins en moins fréquentes»

Une manœuvre loin d'être anodine à moins d'un an des élections municipales, alors que la thématique sécuritaire - en tête des préoccupations des Parisiens d'après un sondage Ifop commandé par la Ville de Paris et présenté en février - alimente déjà les débats. Anne Hidalgo, qui s'était jusqu'alors toujours opposée à l'instauration d'une police municipale, s'est emparée de cette idée chère à la droite, s'attirant au passage les critiques de l'aile gauche de sa majorité. La maire PS entend capitaliser sur sa nouvelle force pour soulager la police nationale, «tant occupée à la lutte contre le terrorisme, le maintien de l'ordre et la grande délinquance» , laissant entendre que la hausse importante des indicateurs à Paris pourrait être ainsi contenue.

Irritée par cette hausse, Anne Hidalgo accusait en juin la police d'avoir délaissé le terrain, notamment au profit des gilets jaunes, tandis qu'Emmanuel Grégoire faisait allusion à des «maraudes de policiers» de «moins en moins fréquentes dans certains quartiers». Ce dernier affirmait aussi ne pas pouvoir obtenir de la préfecture le détail des «effectifs des policiers par arrondissement», qu'il suspecte d'avoir baissé, alors que l'Etat s'est engagé à les maintenir. Contactée par Libé, la préfecture de police n'a pas souhaité commenter la politique de la Ville.