Anne-Marie Dufau, 65 ans, Nord : «On caricature facilement les retraités»
«Je suis à la retraite depuis 2016. J’étais coordinatrice de comptes dans une société de maintenance informatique. En moyenne, je gagnais 2 800 euros net par mois, hors primes et treizième mois. J’adorais mon travail : j’ai fait toute ma carrière dans cette entreprise, j’y étais déléguée syndicale.
«Alors, même si j’avais tous mes trimestres et l’âge pour partir, je ne pensais pas du tout à la retraite. Jusqu’à ce que ma fille tombe enceinte de jumeaux. Elle vivait dans le Nord et moi, en région parisienne. Je venais de divorcer et j’ai décidé d’aller m’installer à Valenciennes pour épauler ma fille et mon gendre.
«Après impôts, je touche environ 2 400 euros de pension. J’ai commencé à travailler à 22 ans dans un secteur qui payait très bien. A un moment, je gagnais plus que mon ex-mari. Je n’ai jamais été à temps partiel ou connu d’interruption de carrière. J’ai trois enfants et je suis grand-mère de trois petits enfants. Je ne suis pas à plaindre : je n’ai pas les soucis de certaines de mes amies, avec de toutes petites retraites, et qui doivent tout calculer pour boucler leurs fins de mois. J’ai l’impression qu’on caricature facilement les retraités, comme s’ils étaient forcément des privilégiés, ne serait-ce qu’en étant propriétaires. Mais on oublie souvent qu’ils ont travaillé toute leur vie pour cela.»
Marie-Claude Estevenon, 78 ans, Bouches-du-Rhône : «Favoriser davantage les transitions»
Ancienne enseignante en IUT, Marie-Claude Estevenon touche 3 000 euros.
Photo Patrick Gherdoussi pour Libération
«Je suis à la retraite depuis 2003. A l’époque, j’avais 62 ans. Je n’ai pas pu partir à 60 ans comme c’était encore possible car je n’avais pas mes annuités. Mais ça ne m’a pas du tout dérangée. Comme maître de conférences à l’IUT de Toulon, on m’avait proposé d’être à mi-temps et de toucher 75 % de mon salaire, mais j’ai refusé.
«Avec ma complémentaire, je touche environ 3 000 euros de pension. J’en suis satisfaite, mais en même temps il y a eu un investissement de dix ans d’études. Mon mari, lui, est parti à 61 ans. Comme ex-pharmacien, il a racheté des points et touche environ 2 000 euros. On a été prudents, on a pris une assurance-vie. On fait partie d’une génération qui thésaurisait beaucoup. Mais on n’aurait pas dû, vu le niveau d’impôts qu’on paie.
«Ça me manque de travailler. Du coup, j’ai fait beaucoup de bénévolat dans une association qui s’occupait d’enfants maltraités. Je pense qu’on pourrait mettre plus de choses en place pour favoriser les transitions, notamment avec nos successeurs. Même en se préparant, le jour où on part, il y a un grand vide, surtout lorsque les enfants partent de la maison.»
Rolande Lemaillier, 68 ans, Manche : «Je reçois moins que le minimum vieillesse»
«Je suis à la retraite depuis 2012. J’ai pu partir à 60 ans et 4 mois après avoir validé tous mes trimestres, et pourtant je me retrouve avec une pension de 777 euros net par mois. J’ai été assistante maternelle, un métier avec des revenus fluctuants, et j’ai élevé mes propres enfants. Heureusement que mon mari a une retraite de 3 300 euros par mois en tant qu’ex-ouvrier d’Etat. Il était chaudronnier. Je n’ai pas calculé combien on me reverserait de sa pension si jamais il lui arrivait malheur. Mais sans réversion, c’est sûr que ce serait impossible.
«Je vis bien, je m'occupe de mes neuf petits-enfants mais je ne trouve pas juste de toucher une pension en deçà de l'allocation de solidarité aux personnes âgées [Aspa, soit le minimum vieillesse, ndlr]. Je peux comprendre que la retraite soit le reflet de la carrière, mais les gens qui ont l'Aspa n'ont jamais travaillé et touchent 868 euros par mois. Moi, j'ai travaillé toute ma vie et je reçois moins. C'est injuste. Lorsqu'on a une carrière complète comme moi, il faudrait que le minimum contributif soit au moins égal au smic. Selon moi, un système par points permettrait plus d'égalité.»