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apéro

Les éléphants socialistes et les «graines» de 2022

Un ancien président, des ex-Premiers ministres et premiers secrétaires du PS étaient réunis au Sénat mercredi soir. Affichant unité, fond et valeurs même si 2022 est dans toutes les têtes.
Bernard Cazeneuve et Patrick Kanner au pot de fin d'année des sénateurs socialistes, mercredi soir à Paris. (Corentin Fohlen/Corentin Fohlen. Divergence pour Libération)
publié le 18 juillet 2019 à 10h19

Un casting cinq étoiles. Sur le boulevard Saint-Michel à Paris mercredi soir, les collaborateurs de Patrick Kanner s'apprêtent à accueillir des invités pas comme les autres pour le traditionnel apéritif de fin de session parlementaire. Car cette année, le président du groupe socialiste au Sénat a convié Martine Aubry, Lionel Jospin, François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Bernard Cazeneuve et Jean-Christophe Cambadélis. Olivier Faure, actuel patron du PS, a finalement été invité. Mais «n'attendez pas un congrès de refondation du Parti socialiste ce soir», lance l'hôte, visiblement ravi de son coup.

Olivier Faure.

Afficher son rassemblement après les européennes où le PS, allié à Place publique, a dû se contenter de sauver les meubles avec 6,2% des suffrages, parler de «renouveau», de «social-démocratie» et de «valeurs» ou torpiller la politique d'Emmanuel Macron : l'agenda de la soirée est vaste. Cette soirée «amicale» est surtout une première : depuis la fin du quinquennat Hollande, les socialistes se sont surtout tirés dans les pattes. «L'amitié, ça a souvent manqué au PS», commente d'ailleurs Olivier Faure. «Ceux qui pensaient nous avoir enterrés avaient peut-être oublié que nous étions des graines, se réjouit Patrick Kanner, citant un proverbe mexicain cher à Bernard Cazeneuve selon lui. Nous serons toujours présents pour défendre une alternative de gauche dans ce pays.» Au moment où Kanner se retourne pour pénétrer dans la cour du siège de la questure du Sénat où a lieu la soirée, Gérard Larcher en sort d'un pas décidé. Boutade de Kanner : «Ça, ce n'était pas prévu au casting !» Le président du Sénat, pilier des Républicains, précise qu'il est là pour «accueillir tout le monde».

Gérard Larcher.

Brochette de seniors

Lionel Jospin.

L'ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault se réjouit de venir voir «des amis». Lionel Jospin, pourtant libéré de son droit de réserve puisqu'il ne siège plus au Conseil constitutionnel, tente une entrée discrète, évitant les micros : «Je pense mais ne m'exprime pas.» Chemise bleue et sac à main rouge sur l'épaule gauche, Martine Aubry apporte une touche de couleur parmi les costumes sombres qui défilent. L'humeur joviale de la maire de Lille contraste avec son analyse : «Le pays va mal.» Entourée d'une brochette de seniors, l'ancienne première secrétaire se dit convaincue que son parti a «besoin de changer de génération».

Jean-Marc Ayrault.

Martine Aubry.

19h17 : François Hollande traverse le trottoir avec le sourire pour rejoindre sa «famille politique». A la tribune, pendant une vingtaine de minutes, l'ancien président évoque les défis auxquels le PS doit faire face. Réchauffement climatique, mondialisation, transformation numérique, mutation du travail, intelligence artificielle montée du nationalisme… Pour l'ancien chef de l'Etat, «le socialisme a la vie longue, a la vie dure à la condition qu'il croit en lui».

François Hollande.

«Je vous donne mon avis : le socialisme est le mouvement qui permettra toujours à la gauche de revenir aux responsabilités. Si le mouvement socialiste, social-démocrate, sous la forme que l'on connaît aujourd'hui, ou sous une autre, redevient la première force au sein de la gauche, alors l'alternative sera possible», professe Hollande. Qui parle de fond mais plus d'incarnation. Il en faudra bien une pour porter les couleurs socialistes lors de la prochaine présidentielle mais l'ancien président semble lâcher l'affaire : «Le seul mandat que je détiens, c'est le titre de l'exercice de ma dernière responsabilité, président, ancien président, ce qui me donne […] un devoir de solidarité à l'égard de celles et de ceux, vous, qui portez les combats de ma vie.» Un passage de témoins. Pour Olivier Faure, François Hollande avait ce soir «la volonté de transmettre ce qui a été le combat de sa vie et qu'il était heureux de savoir que d'autres aujourd'hui reprenaient ce combat». Une page se tourne, plus question de retour en 2022 ? «Je l'ai plutôt senti dans la volonté de dire : voilà chacun à son époque à la charge de cette histoire.»

Bernard Cazeneuve.

«Fusée»

Quand il quitte cette soirée de grands éléphants, Bernard Cazeneuve ne semble pas vouloir s'attarder à répondre aux questions de la presse. Il passe quand même quelques messages bien sentis. Que manque-t-il actuellement à la gauche pour gagner lors des prochaines élections ? «De l'authenticité, de la sincérité, des idées, et une capacité de renouer le lien avec les Français.» Cela pourrait ressembler à un autoportrait et un petit pas vers une candidature présidentielle ? «Il n'a pas été question de ça ce soir.» Bernard Cazeneuve «ne demande rien», commente Valérie Rabault, cheffe de file des députés socialistes. Qui souhaite quand même que l'ancien Premier ministre «puisse devenir un élément central pour le Parti socialiste et pour la gauche plus généralement».

Cazeneuve 2022, qu'en pense Martine Aubry ? «J'ai toujours beaucoup de mal à projeter des intérêts personnels aux lieux d'intérêts collectifs, douche la maire de Lille. Quand on aura travaillé, on verra la meilleure personne capable d'incarner les idées.» Avant que Cazeneuve ne s'éclipse, une journaliste tente une dernière question sur ses intentions présidentielles : «On dit que vous êtes peut-être le premier étage de la fusée pour 2022…» La réplique fuse : «On ne fait pas de la politique avec une fusée, on fait de la politique avec des idées. Les fusées, c'est pour l'aérospatiale.»