Le débat sur la révision des lois de bioéthique tient du labyrinthe. Les députés s’y plongent lestés de leur bagage personnel et de quelques certitudes, puis se cognent aux angles morts, avant de se laisser assaillir par les dilemmes existentiels. Mesure la plus médiatique du projet de loi présenté ce mercredi en Conseil des ministres, la PMA pour toutes fait figure de porte d’entrée. L’accès à ces techniques pour les couples de lesbiennes, promesse du candidat Macron, et leur remboursement par l’assurance maladie sont très peu contestés dans le groupe LREM. Mais quelques réticences s’expriment quant à l’ouverture aux célibataires.
Si elle a évolué sur la PMA pour les couples de femmes et y est désormais favorable, la députée de Seine-Maritime Annie Vidal «reste réservée sur le fait que l'Etat cautionne la constitution de familles monoparentales». D'autres rappellent que ces femmes voulant recourir à la PMA ont longuement mûri et construit ce projet parental en solo. Bien qu'il ne figure pas dans l'avant-projet de loi, des députés veulent débattre du délicat sujet de la PMA post-mortem (insémination ou implantation d'embryons après le décès du père). «Et toutes ces problématiques autour de la PMA, ce n'est que l'article 1…» soupire un député. Suivent une trentaine d'autres convoquant là aussi des considérations philosophiques et nécessitant une expertise technique. Mode d'établissement de la filiation, accès aux origines, recherche sur les cellules souches embryonnaires, intelligence artificielle, autoconservation des gamètes… «Il y a mille choses à réviser, conclut Jean-Louis Touraine, rapporteur de la mission d'information sur la bioéthique. Commencer à tirer un fil induit un nouveau questionnement, et encore un autre.»
C'est sans compter aussi sur les autres discussions que de petits groupes d'élus, d'opposition ou de la majorité, aimeraient inscrire pour l'avenir. En vue du débat à la rentrée, la majorité a commencé à s'y pencher. Conviés à quatre séminaires organisés par l'exécutif, les marcheurs peuvent discuter en interne - et téléphone laissé au vestiaire - des volets de la loi au cours de petits-déjeuners au Palais-Bourbon, dont le troisième a eu lieu mardi. Au programme : procréation - qui a réuni une cinquantaine de participants -, intelligence artificielle, et tests génétiques et dons d'organe. «A partir de la PMA, qui n'est qu'un petit morceau du texte, on essaie d'embarquer les gens sur toutes les autres thématiques, explique Thomas Mesnier, copilote du groupe de travail. Le but est de nous faire réfléchir. On repart avec des questions qu'on ne se posait pas en arrivant.» «Au début, des collègues vous disent "je suis pour" ou "je suis contre", et au fur et à mesure, on entre dans la nuance», ajoute Jean-François Eliaou, élu dans l'Hérault. Soulagés par la liberté de vote que les groupes accordent traditionnellement à leurs troupes sur les sujets liés à la bioéthique, beaucoup assurent vouloir sortir des clivages politiques. Le député des Deux-Sèvres Guillaume Chiche, lui, aimerait que les élus se fassent «militants avec pour boussole politique l'égalité des droits».