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Algues vertes : pour Jadot et Batho, le gouvernement «n’est pas à la hauteur»

Le scandale des algues vertesdossier
Les deux députés écologistes étaient jeudi dans la baie de Saint-Brieuc, en Bretagne, pour pointer le problème croissant des marées vertes. Un phénomène lié aux nitrates produits par l’élevage intensif contre lequel on ne fait pas assez, selon eux.
Yannick Jadot et Delphine Batho à Saint-Brieux (Côtes-d'Armor), jeudi. (Fabrice PICARD/Photo Fabrice Picard pour Libération)
publié le 25 juillet 2019 à 20h35

«Un véritable tsunami», «une catastrophe», l’eurodéputé Yannick Jadot, accompagné de la députée écologiste Delphine Batho, n’ont pas eu de mots assez forts pour dénoncer les marées vertes qui sévissent à nouveau depuis plusieurs semaines sur le littoral breton. Et tout particulièrement en baie de Saint-Brieuc, sur la grève des courses à Langeux, où les deux élus sont venus jeudi après-midi à la rencontre des militants et de quelque 300 personnes venues protester contre ce phénomène, favorisé par les fortes chaleurs et les taux élevés de nitrates d’origine agricole dans les cours d’eau. Sous leurs yeux, une immense baie, «la quatrième du monde» par sa superficie, recouverte d’une fine couche d’algues vertes et, çà et là, des amas blanchis sous le soleil. Un spectacle devenu habituel…

«Ce sont sous ces croûtes que des algues en putréfaction peuvent dégager du sulfure d'hydrogène potentiellement mortel», explique aux deux députés André Ollivro, président de l'association Halte aux marées vertes, en désignant à l'horizon les communes de la baie où des plages ont été fermées en raison de ces échouages nauséabonds : Hillion, Morieux… «Autrefois, les enfants pouvaient y faire des châteaux de sable», remarque-t-il, photographies à l'appui. «Il faut lutter contre les pollutions à la source et arrêter de donner de l'argent à l'agriculture qui produit les dégâts qui sont devant nous», a réagi Yannick Jadot, mettant en cause des plans algues vertes en Bretagne qui, basés sur le volontariat et la bonne volonté des agriculteurs, «ne sont pas à la hauteur».

Beaux discours

Les deux députés ont directement mis en cause la politique gouvernementale en matière d'écologie et d'agriculture, stigmatisant notamment une récente mesure ayant relevé le seuil des élevages industriels pour lesquels les projets d'agrandissement nécessitent des enquêtes publiques. «C'est une honte, avec ce type de mesures, on va encore aggraver les problèmes», a lâché Yannick Jadot, qui réclame une remise à plat complète du plan de cinq milliards d'euros prévus par le gouvernement pour l'agriculture. Un programme destiné selon lui à «plus de béton» et à consolider le modèle productiviste plutôt qu'à favoriser le bio et les modèles alternatifs.

«Emmanuel Macron et son gouvernement tiennent des discours en faveur du climat, de la biodiversité, de l'écologie, inversement proportionnels à leurs décisions», a renchéri Delphine Batho, qui a rappelé le récent vote de l'Assemblée nationale en faveur du Ceta, pour dénoncer la menace d'importation de «bovins nourris aux farines animales» et la «concurrence déloyale» qui risque d'en découler avec la production agricole française, freinant d'autant la mutation du modèle intensif.

Plusieurs décès suspects

Devant les manifestants rassemblés sur la plage du Valais, à Langueux, et arborant des banderoles «trop de cochon tue le breton» ou, s'adressant aux lobbys de l'agrobusiness, «arrêtez vos salades», Yannick Jadot a également indiqué qu'il allait demander à la commission européenne «l'évaluation de chaque euro» mis dans l'agriculture dans le cadre de la prochaine Politique agricole commune (PAC) mais aussi dans les plans de lutte contre les marées vertes. «La Bretagne vit une situation dramatique qui provoque des accidents, des décès. C'est toute une région qui est profondément abîmée par un modèle agricole qui détruit ses paysans, son environnement, son alimentation», a martelé le député EE-LV.

Avant de constater par eux-mêmes l’omniprésence des algues vertes en baie de Saint-Brieuc, les deux députés sont allés apporter leur soutien à la famille d’un joggeur retrouvé mort en 2016 dans une zone envahie d’algues vertes, à l’embouchure du Gouessant, et qui a saisi la justice à la mi-juillet. Le but de ce recours, trois ans plus tard : demander une indemnisation et la reconnaissance de la responsabilité des pouvoirs publics qui n’avaient pas signalé les dangers potentiels de la zone où ce sportif de 50 ans avait été retrouvé. «Un recours contre le cynisme et la loi de l’omerta», a dit Jadot. Selon les associations environnementales, qui réclament un protocole médical systématique en cas de malaise ou d’accident mortel sur le littoral pour vérifier la présence ou non de sulfure d’hydrogène dans le sang des victimes, les marées vertes pourraient être à l’origine de plusieurs décès restés inexpliqués en Bretagne.