Un autre tour de France. Début juillet, deux reporters de Libération se sont élancés sur les routes du Cher, de Seine-et-Marne et d'ailleurs, celles qu'ils avaient déjà empruntées cet hiver et au printemps pour raconter ce mouvement inédit des gilets jaunes. Raconter sa diversité, comprendre ses racines, percer sa complexité, décrypter ses colères, relayer ses espoirs et ses douches froides, pointer ses errements, couvrir ses samedis de fête, restituer ses tranches de vie, le plus souvent cabossées, arpenter ses ronds-points-cours-des-miracles, acter la déprime quand la mobilisation a faibli, recenser ses blessés, dénoncer sa violence aussi, analyser ses ruptures, avec nous, les médias, avec la politique, Paris, les élites. Nous sommes désormais au cœur des vacances. Ces vacances que «je n'ai pas vues depuis longtemps», nous a d'ailleurs confié un gilet jaune.
Les projecteurs sont braqués sur le maillot jaune, plus sur les gilets. Normal, le mouvement s'est éteint. Mort, fini, vive le sable d'été ? Pas si vite. Y aura-t-il des gilets jaunes à l'automne ? Personne n'en sait rien. Chez les irréductibles qui continuent d'occuper les ronds-points ou de manifester dans l'indifférence, certains y croient, d'autres plus. Mais la madame Irma de la météo sociale s'est, de toute façon, trop souvent trompée. Libération n'est pas retourné vers les gilets jaunes pour savoir de quoi septembre sera fait. Mais pour continuer, même au milieu de l'été, de raconter, comprendre, aider à comprendre, décrypter, restituer un mouvement social qui, quoi qu'il arrive, aura marqué le quinquennat d'Emmanuel Macron. Avec la conviction que les gilets jaunes furent un révélateur, comme on disait en photographie, d'un mal français aux racines profondes. Et que manifestations ou pas à la rentrée, il faudra continuer de nous interroger.