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Libération
Récit

Antonin Bernanos, le combat d’un détenu placé à «l’isolement médiatique»

Libéré après plusieurs mois de prison pour l’agression d’un policier quai de Valmy en 2016, le militant antifa a été remis en détention sous un régime strict, à la suite d’une rixe.
Geneviève Bernanos lors de l’audience pour la libération de son fils Antonin au tribunal de grande instance de Paris, jeudi. (Photo Albert Facelly pour Libération)
publié le 1er août 2019 à 20h56

Attendre une décision qui ne viendra pas. Cette situation, Antonin Bernanos la connaît. Depuis plus de trois mois, le militant antifasciste de 25 ans implore les juges de lui accorder sa remise en liberté. Placé en détention provisoire le 18 avril, le jeune homme est suspecté d’avoir participé à une bagarre de rue avec des militants d’extrême droite le 15 avril, à Paris, le soir de l’incendie de Notre-Dame.

L’attroupement aurait commencé à quelques rues de la cathédrale, dans l’une des petites artères du quartier de Saint-Michel. La cathédrale flambe. Antonin Bernanos et une dizaine d’amis se rendent sur place, de l’autre côté de la Seine, pour assister au sinistre depuis les berges.

«Simple curiosité», rapporte l'un de ses amis présent jeudi au tribunal. «Antonin était devenu prudent depuis ce qui lui était arrivé», raconte son père, Yves Bernanos : une condamnation, puis un passage en prison déjà, pour avoir agressé un policier lors des manifestations contre la loi travail, en 2016. A l'époque, Antonin Bernanos a été reconnu coupable d'avoir asséné deux coups de poing sur le policier qui tentait de sortir de sa voiture en feu, faits qu'il a toujours niés. L'affaire du «quai de Valmy» avait alors fait la une des journaux.

Hostilités

L’histoire aurait pu s’arrêter là s’il n’avait pas croisé la route d’une bande de jeunes militants d’extrême droite, des Zouaves et des membres de Génération identitaire, passés par la même ruelle le soir de l’incendie de Notre-Dame. Une rencontre fortuite se défendra Bernanos, depuis peu affranchi de sa liberté conditionnelle, et niant avoir engagé les hostilités. Les jeunes militants se reconnaissent, se font face, puis repartent chacun de leur côté. Mais les deux groupes reviennent et s’affrontent.

Au cours de la rixe, l'un des membres d'extrême droite se retrouve blessé et dépouillé de ses affaires. Il porte plainte contre Antonin Bernanos. Bien qu'il se défende d'avoir pris part à la bagarre, ce dernier est interpellé avec quatre amis, puis placé en détention provisoire le 18 avril sur décision du juge des libertés et de la détention (JLD) Charles Prats, qui ne cache pas sur Twitter son peu de sympathie pour «le nervis d'extrême gauche».

Dans son ordonnance, le magistrat invoque la récidive pour justifier sa décision d'incarcérer Bernanos. L'activiste est envoyé à Fresnes, où il est placé à «l'isolement  médiatique», selon les termes de sa famille. En fait ce type de zones où l'on est placé à l'isolement i existent dans de nombreuses maisons d'arrêt. Elles accueillent des détenus qui, selon l'administration pénitenciaire peuvent être pris pour cilble au quotidien ou à cause de leur aspect médiatique. «On veut faire porter à Antonin l'image d'un chef de bande», s'indigne sa mère, qui reste souriante malgré les procès qui s'enchaînent pour son fils. Elle dénonce une «procédure ultrasécuritaire appliquée à des militants de tous les jours». «Il a fallu attendre deux mois pour qu'on puisse venir le voir», se désole son père, réalisateur et enseignant de cinéma. Antonin Bernanos est confiné dans une cellule individuelle où son courrier est filtré. En prison, l'étudiant ne parvient que difficilement à suivre ses études de sociologie, comme il avait pu le faire, pour sa licence, lors de sa précédente incarcération grâce aux visites de ses professeurs.

Huis-clos

Dénonçant ces conditions de détention, la famille d'Antonin Bernanos avait demandé en juin sa remise en liberté auprès de la chambre de l'instruction. Mais l'audience a été renvoyée au 1er août. Jeudi, les amis antifas et autres camarades «de lutte», ainsi qu'une soixantaine de personnes, dont des membres du Comité Adama (en référence à Adama Traoré, mort le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan, dans le Val-d'Oise), se sont réunis dans le hall du tribunal de grande instance de Paris. Après une courte audience, à laquelle l'ensemble des soutiens n'a pu assister pour cause de huis-clos demandé par le parquet, la décision a été renvoyée à ce vendredi matin. Les magistrats diront si l'incarcération est prolongée de quatre mois. Une affaire éminemment politique, dénoncent à l'unisson les proches d'Antonin Bernanos, quand le ministère public, lui, invoque de stricts débats juridiques.