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Libération
Récit

Chez les agriculteurs le Ceta, c’est assez

Depuis le 23 juillet et l’approbation par l’Assemblée nationale du traité de libre-échange entre l’Europe et le Canada, une quinzaine d’actions ont été menées contre les permanences de députés de la majorité. LREM dénonce un «déni de démocratie».
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des agriculteurs ont déversé du fumier devant les bureaux de la députée de Haute-Garonne Monique Iborra. (Photo N.Saint-Affre. MaxPPP)
publié le 2 août 2019 à 20h56

Dix jours après le vote de l’Assemblée nationale en faveur de la ratification du Ceta, la colère des agriculteurs ne retombe pas. Depuis le 23 juillet, une quinzaine de permanences de députés LREM ont été la cible d’opposants au traité de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Dernières en date, celle de Corinne Vignon, à Toulouse, où des agriculteurs ont muré la porte d’entrée, puis celle de Monique Iborra à Tournefeuille (à l’ouest de Toulouse), devant laquelle deux tonnes de fumier ont été déversées dans la nuit de jeudi à vendredi.

Sourde oreille

Devant la permanence murée, le président de la FDSEA de Haute-Garonne, Christian Mazas, a justifié jeudi soir une «action symbolique» à l'encontre d'une élue «sourde à nos appels». La fédération départementale de la FNSEA, premier syndicat agricole, dit avoir convié les dix députés de Haute-Garonne à une discussion sur l'accord commercial lundi, sans obtenir de réponse. Députée du département, Monique Iborra, qui, comme sa collègue, a approuvé la ratification du Ceta, assure à Libération ne pas en avoir été informée, ni avoir été sollicitée avant le vote : «Sinon j'aurais accepté, je n'ai pas l'habitude de me défiler.» «On peut être en désaccord, les revendications catégorielles ne datent pas d'hier mais elles ne doivent pas prendre cette tournure, poursuit-elle. Ce n'est pas normal de légiférer sous la menace et la vindicte.»

Entré en vigueur fin 2017, le Ceta inquiète les éleveurs bovins qui craignent un deux poids deux mesures sur le cahier des charges sanitaires qui leur est imposé, quand leurs concurrents outre-Atlantique sont soumis à des normes moins strictes. S'il a rappelé l'obligation pour les Canadiens de se conformer aux standards européens, le gouvernement a peiné à convaincre qu'aucune viande nourrie aux farines animales ne passerait à travers les mailles des contrôles. Pour le député LREM et éleveur Jean-Baptiste Moreau, dont la permanence a aussi été murée la semaine dernière, «ce type d'action n'a jamais rien résolu». «Contrairement à ce qu'affirment les responsables syndicaux, loin de canaliser la violence, cela l'excite. Mais c'est plus facile de déverser des bennes de fumier que de chercher des solutions», accuse l'élu creusois, défenseur du Ceta.

Distinguo

D'autres locaux de parlementaires ont été visés dans le Lot-et-Garonne, en Saône-et-Loire et en Ile-de-France, mêlant parfois, comme sur la permanence du député parisien et délégué général de LREM, Stanislas Guerini, tags anti-Ceta et accusations contre la police. La majorité a condamné à l'unisson ces actions, s'élevant contre un «déni de démocratie» et appelant «à l'apaisement». Elue du Tarn, où l'on célébrait, cette semaine la mémoire de Jean Jaurès, Marie-Christine Verdier-Jouclas (LREM) s'est emballée jusqu'à voir dans cet hommage«un sens très fort dans une période de violences et de dégradations envers les permanences».

Le phénomène ne date pas de cette mandature, mais de nombreux députés LREM avaient été pris pour cible cet hiver au plus fort de la crise des gilets jaunes. Les intimidations et violences étaient alors nettement montées d'un cran, allant parfois jusqu'à l'intrusion au domicile des élus. Le député Alexis Corbière (LFI) a, lui, fait le distinguo entre «les gens qui cassent une vitrine et mettent le feu» - comme à Perpignan samedi dernier, où la permanence du marcheur Romain Grau a été saccagée, a priori sans lien avec le Ceta - et les agriculteurs qui «déversent du fumier». Tout comme l'eurodéputé LREM Jérémy Decerle, qui a appelé sur Europe 1 à ne pas confondre «ce qui est du vandalisme, fait par des activistes qui sont non identifiés», et «les actions menées et revendiquées par la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs». Lui-même ex-président des JA et réservé sur le Ceta, il a plaidé la cause des agriculteurs, qui «ont besoin de réponses et d'attention».