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Libération
Récit

Les marches pour Steve Caniço sous haute surveillance

Affaire Steve Caniçodossier
La préfecture de Loire-Atlantique a interdit tout rassemblement dans la majeure partie du centre-ville de Nantes samedi, invoquant un risque de trouble à l’ordre public. La famille du jeune homme s’est distanciée des appels à manifester.
Rassemblement organisé le 20 juillet par les amis de Steve, quai Wilson à Nantes. (Photo Théophile Trossat)
publié le 2 août 2019 à 20h56

Les appels à manifester se multiplient, les interdictions aussi. Samedi, plusieurs rassemblements sont organisés en France contre les violences policières et en hommage à Steve Caniço. Le corps de l'éducateur de 24 ans a été retrouvé lundi dans la Loire. Il avait disparu dans la nuit du 21 au 22 juin, lors de la Fête de la musique. Aux alentours de 4 h 30, une violente intervention policière mettait fin à la soirée organisée sur l'île de Nantes et provoquait la chute de plusieurs personnes dans le fleuve. Depuis, la famille et les amis du jeune homme disparu attendaient le résultat des recherches. Dans la foulée de la découverte du corps, une information judiciaire a été ouverte pour homicide involontaire.

Convergence

A Nantes, un appel à rassemblement a notamment été publié par des militants d'extrême gauche et les gilets jaunes locaux, qui appellent à une convergence nationale. Ces appels n'ont «fait l'objet d'aucune déclaration à ce jour», indique la préfecture de Loire-Atlantique dans un communiqué publié jeudi, prévenant «de risques élevés de troubles à l'ordre public en marge du rassemblement». Les autorités disent craindre la présence de «manifestants ultras et d'individus extrêmement radicaux de type "black bloc"». En conséquence, la décision a été prise «d'interdire toute manifestation ou rassemblement dans plusieurs périmètres du centre-ville de Nantes de 10 heures à 20 heures ce samedi». Toutefois, plusieurs axes de la ville ne tombent pas dans cette zone rouge, comme les cours Saint-André, Saint-Pierre, des 50-Otages… Une petite boucle où la manifestation n'est pas interdite, confirme la préfecture. Ces arrêtés publiés la veille du rassemblement rendent par ailleurs difficile tout recours administratif. La Ligue des droits de l'homme en a tout de même déposé un vendredi en milieu de journée, rejetté dans la foulée.

«Escalade»

«C'est devenu un grand classique depuis le mouvement des gilets jaunes, ils sont capables de sortir jeudi un communiqué de presse avec une carte, mais ne mettent pas en ligne les arrêtés, regrette le professeur de droit public Serge Slama. Cela permet de définir des périmètres de protection sans le dire, de réaliser des contrôles préventifs, voire des verbalisations qui, à mon sens, ne sont pas légales mais dissuasives. C'est cette stratégie d'escalade systématique des autorités qui a mené au drame de l'affaire Steve, c'est la même logique.» L'amende pour participation à une manifestation interdite a été durcie en mars. Elle s'élève désormais à 135 euros.

Plusieurs proches de Steve Caniço ont annoncé publiquement qu'ils ne s'associaient pas à ces appels. «Les amis de Steve et la famille ne sont pas liés à ce rassemblement», écrit par exemple Maël, qui a participé à l'organisation des événements précédents. «Une marche blanche sera organisée et on vous tiendra au courant», annonce-t-il. Même message d'une autre amie qui craint que la responsabilité d'éventuels «débordements» ne leur «tombe dessus». Des appels à manifester ont été lancés dans d'autres villes, comme à Lille dès vendredi soir et samedi à Paris, Marseille, Orléans, Amiens et Bourges.

Les juges d’instruction dessaisis ?

C'est une décision relativement rare de la part de juges d'instruction. Et qui témoigne du caractère extrêmement sensible des investigations autour de la mort de Steve Caniço. Mardi matin, au lendemain de la découverte du corps du jeune homme dans la Loire, le procureur de la République de Nantes, Pierre Sennès, a estimé qu'une information judiciaire pour «homicide involontaire» devait être instruite par deux juges du tribunal de grande instance de Nantes. Toutefois, ces derniers ont demandé à être dessaisis, et ce dès le réquisitoire introductif de l'enquête qui leur a été confiée, alors que leur travail ne faisait que commencer. D'ordinaire, ce type de décision intervient lorsqu'un élément objectif du dossier vient compromettre les investigations. Ici, on comprend donc que les juges, soucieux de garantir l'impartialité de la juridiction saisie, pensent qu'il vaut mieux que l'enquête se déroule ailleurs qu'à Nantes. (W.L.D.)