Il y avait deux mondes ce samedi à Nantes. D'un côté un rassemblement voulu comme une marche blanche, en hommage à Steve Caniço, à l'endroit où son corps a été retrouvé lundi au pied de la grue jaune de l'île de Nantes. De l'autre une manifestation, cri de colère contre les violences policières qui a donné lieu à quelques débordements dans le centre-ville. Proches et familles se sont tenus éloignés de l'un comme de l'autre, se recueillant en privé, très critiques de toute forme de récupération politique.
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«Il dansait, comme nous»
Maxence et Jeanne ont des t-shirt blancs, et pas beaucoup plus de trente ans à eux deux. «On est là pour Steve», qu'ici tout le monde appelle par son prénom. Les deux ados s'identifient au jeune homme : «Il dansait, comme nous.» «Émotionnellement ce drame m'a touché», souffle Pierre-Alexandre, passé quai Wilson quelques heures avant l'intervention policière. Mais le quadra n'est pas là que par émotion : «Je suis venu parce que c'est un moyen non-violent de défendre nos droits.» A voix haute, la politique n'a pas sa place ici. On demande de se taire à une femme qui crie tout le mal qu'elle pense du gouvernement.
Gilets jaunes et cagoules noires
Les faits lui donneront raison. Dès l'arrivée du cortège devant la préfecture, des jets d'eaux servent à repousser quelques militants en noir qui tentent de s'introduire dans les jardins. Premiers jets de projectiles, premiers lacrymos. Et ça repart. Tout au long du cortège, CRS et gendarmes mobiles sont pris à partie et insulté, et leur ministre Christophe Castaner est traité d'«assassin».
39 gardes à vue
Mais la cible préférée des énervés du cortège, ce sont les policiers en civil, et notamment la BAC, qui a triste (et violente) réputation, disent les habitués des manifs nantaises. A plusieurs reprises, la progression est arrêtée ou coupée par des grenades lacrymogènes, et le black bloc ne se constituera jamais pleinement. Des zones de chantiers sont dépecées, une barricade est dressée, quelques feux sont allumés. Au bout de trois heures, le gros de la foule est dispersé, à force de gaz notamment. Bilan de la journée : 39 gardes à vue, pour quelques petits milliers de participants (1 700 selon la police).
«Je m'attendais à pire, en termes de violences et de récupération politique», soupire Vivian, presque soulagé. Cet ami de Steve Caniço est arrivé sur le quai Wilson, bien loin du centre enfumé de Nantes, dans l'après-midi. A ses côtés, des membres de la famille et des amis du disparu, installés dans le salon que certains d'entre eux ont improvisé. A l'ombre du bunker, ils préfèrent le silence du recueillement.