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Libération
Homme volant

Après son vol, Franky Zapata plane

A peine achevée sa traversée de la Manche sur son flyboard, le Marseillais a annoncé dimanche le lancement d’un prototype de voiture volante.
Franky Zapata arrive à la St Margaret’s Bay, à Douvres, après une traversée de vingt minutes au dessus de la Manche. (Photo Glyn Kirk. AFP)
publié le 4 août 2019 à 21h16

Il se voit déjà faire voler des voitures ou surfer sur des nuages. A peine arrivé sur la terre ferme, Franky Zapata, 40 ans, rêve de nouveaux défis à relever dans les airs. Avec son Flyboard Air, le Marseillais espère «changer la vision des gens sur les engins volants pour qu'ils soient prêts pour [notre] voiture volante». Dimanche, en devenant le premier homme capable de traverser la Manche à bord d'une planche volante autonome, Franky Zapata a peut-être ouvert la voie à de nouvelles manières de voyager. «On est capable de faire voler tout ce qu'on veut», assure-t-il en conférence de presse, à son retour en France. D'ailleurs, la carrosserie de sa voiture volante est actuellement en train d'être peinte. La base du châssis vole déjà. «On n'attend plus que les autorisations. La vraie version avec les dix moteurs va voler dans les prochaines semaines.» Un nouvel engin qui pourrait atteindre les 300 km/h.

«Expériences futures»

Franky Zapata a réalisé sa traversée de la Manche à 140 km/h de moyenne, avec quelques pointes à 170 km/h. Il est parti très vite de la plage de Sangatte (Pas-de-Calais), un peu après 8 heures, dans une forte odeur de kérosène et un bruit de fusée au décollage, le tout sous les encouragements du public. Sur la digue, Charles, 20 ans, avait «l'impression d'être dans un film de science-fiction» : «Qu'est-ce qui va suivre après ça ?» Dans l'univers de Zapata, le réel dépasse la fiction. «Les gens rêvent de voler. On a grandi avec Retour vers le Futur, raconte l'homme volant, un sourire greffé au visage. On a tous attendu 2015 et le hoverboard de Marty McFly. En 2015, il n'y en a pas eu donc on s'est dit "on va le faire".» Pour lui, cette planche volante démontre que son entreprise détient une technologie innovante, au point et transposable à n'importe quel type de plateforme : «Plus on avance, plus la machine augmente en performance et en sécurité. C'est plus facile de mettre de l'innovation sur un produit qu'on maîtrise !»

Pour Christelle, une spectatrice, c'est aussi l'annonce «d'expériences futures». L'infirmière de 52 ans soutient que ce type de déplacement est déjà suivi de près par les militaires. La démonstration de Franky Zapata lors du défilé du 14 Juillet témoigne de cet intérêt particulier de l'armée pour la planche volante. Les forces françaises ont déjà investi 1,3 million d'euros dans le flyboard pour le rendre plus stable et moins bruyant. «On espère bien que c'est un précurseur, glisse Hugues, un enseignant de 53 ans. D'abord, il y aura des applications militaires puis civiles. Peut-être que nos enfants iront à l'école comme ça ?» Une idée qui semble plaire à sa nièce Aléna, âgée de 15 ans. «Se déplacer comme ça dans l'air, sans ailes, sans rien… C'est émouvant, commente Bruno, menuisier. C'est une technologie de dingue. Ce n'est que le début !»

L'exploit de Franky Zapata s'inscrit dans l'histoire des pionniers de la conquête de l'air qui défient toujours un peu plus les lois de la physique. Son nom rejoint celui de Louis Blériot dans cette histoire et celle de la commune de Sangatte. Cent dix ans plus tôt, l'aviateur était parti du même endroit pour réussir la première traversée aérienne de la Manche, à bord de son avion, le Blériot XI. Depuis, l'aviation n'est plus seulement l'affaire de quelques aventuriers et militaires : pour la seule année 2017, pas moins de 4 milliards de passagers ont été transportés par des avions dans le monde. Le développement de l'aviation a été très rapide. Quid, demain, de la planche volante ? «Voler, c'est la finalité, mais ce sont des milliers et des milliers d'heures de travail d'équipe derrière», poursuit Franky Zapata devant la presse. La première tentative avait échoué le 25 juillet. Il n'avait pas réussi son ravitaillement à mi-parcours. Le pilote avait touché la barre de la plateforme prévue pour son atterrissage sur un bateau. Il s'était retrouvé à l'eau mais avait promis de retenter très vite le défi. Alors il est rentré à Marseille pour réparer son engin avant de revenir, plus confiant et motivé : «On ne voulait pas rester sur un échec. C'est l'ADN de notre société, on ne lâche pas, on va au bout de nos rêves. On se révèle sous la pression. C'est là que nous sommes les meilleurs.»

«C'est historique !»

Sur la plage de Sangatte, les gens étaient nombreux à saluer cette ténacité. Des applaudissements et des soupirs de soulagement ont retenti sur la digue au moment du ravitaillement réussi. «Je savais que j'avais fait 90% du job», analyse-t-il après coup. A ce moment-là, on ne le voyait déjà plus dans le ciel mais plusieurs groupes de spectateurs suivaient la traversée sur des téléphones branchés sur les directs des chaînes d'information en continu. «Regarde bien ce moment petit, c'est historique !» s'est exclamé Michel en poussant un petit garçon devant un portable. A 34 kilomètres de là, Francky Zapata était en train de se poser sur les falaises de St Margaret's Bay, à peine visibles à l'horizon. «On n'a qu'une seule vie. Pour moi, la gâcher, c'est de ne pas faire tout ce que je suis capable de faire. Je veux voir où sont mes limites, a déclaré Franky Zapata. Tant qu'on pourra avancer, on le fera. Si à la fin on crée une fusée, pourquoi pas !» Avant ça, lui et son équipe ont une voiture volante à terminer.