Ils vont se lever tôt, très tôt ce mardi pour participer à cette «cérémonie commémorative». Et ils resteront là, devant l'abattoir de Meaux (Seine-et-Marne), durant plusieurs heures : amis des animaux, simples sympathisants ou fervents militants, tous rendront hommage à Ferdinand, devenu l'emblème de la «rébellion animale».
Sa brève épopée débute le 23 juillet vers 7h30, tandis qu'il arrive en camion, avec un autre taureau, à l'abattoir de Meaux. Devant l'entrée de ce vaste établissement spécialisé dans l'abattage rituel, se tient une poignée de militants de Paris Animal Save, une association créée aux Etats-Unis et comptant plus de 600 antennes à travers le monde. «Nous nous rendons une ou deux fois par mois devant cet abattoir, le plus grand d'Ile-de-France, pour apporter un peu d'eau et de réconfort aux animaux qui arrivent par camion, raconte Audrey, une des responsables de Paris Animal Save. Durant ces rassemblements pacifiques, nous essayons aussi de discuter avec les transporteurs et le personnel de l'abattoir pour les sensibiliser au sort des animaux.»
Mais ce 23 juillet, les militants assistent à une scène peu banale : l'un des taureaux qu'ils ont aperçu quelques minutes plus tôt enfermé dans une bétaillère s'est échappé avant d'être égorgé. L'animal affolé court à présent vers le grillage qui délimite le terrain de l'abattoir. Après une brève hésitation, il fonce dedans et se retrouve, libre, sur la route. Les militants médusés filment toute la scène et lui crient, pleins d'espoir : «Va-t'en ! Va-t'en !»
Photo Paris Animal Save
«Aucun ne veut aller à l’abattoir»
Les policiers rapidement mobilisés tentent de retrouver sa trace, en vain. Les militants partent eux aussi à sa recherche, et commencent à imaginer pour lui un avenir heureux au cœur d'un sanctuaire pour animaux de ferme. Ce téméraire taureau va ainsi vivre cinq heures de liberté. Il n'est localisé qu'aux alentours de midi par la police. Deux heures plus tard, il est euthanasié. Les militants, déconfits, entendent deux détonations, puis voient passer une dépanneuse transportant le cadavre recouvert d'une bâche. Direction : l'équarrissage. «Ferdinand est mort pour rien», commente Audrey, pleine d'amertume.
Ferdinand, c'était le nom du héros d'un film d'animation sorti en 2017, racontant l'histoire d'un taureau qui refusait de combattre dans l'arène. Aujourd'hui, Ferdinand est devenu le symbole de la résistance des animaux : «Aucun ne veut aller à l'abattoir. Des animaux essaient fréquemment de s'échapper, comme cet agneau que nous avons vu tenter de s'enfuir à Pâques, dans ce même abattoir», raconte Audrey.
L'«affaire Ferdinand» a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, mais elle a aussi agacé certains agriculteurs. Paris Animal Save s'attendait ainsi, ce lundi, à une contre-manifestation organisée elle aussi devant l'abattoir de Meaux par des bouchers et des éleveurs. «Pro» et «anti»-viande devraient donc se retrouver sur le même trottoir, celui sur lequel les militants avaient inscrit à la craie : «Ici, un animal qui ne voulait pas finir dans votre assiette s'est échappé. Il voulait vivre.»
Photo Paris Animal Save