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Libération
Récit

Assumer son assiette, le casse-tête des élus

Si beaucoup de politiques se disent flexitariens, pas facile pour tous d’opter pour le 100 % légumes.
(Photo R. Hopkins. VU)
publié le 7 août 2019 à 21h06

Le SMS d'un dirigeant écolo dont on taira le nom transpire la culpabilité : «Je ne mange quasiment plus de viande mais je mange encore du poisson. Je sais, c'est pas bien.» Difficile, à l'heure du rapport du Giec et quand toutes les pendules politiques se mettent à l'écologie, d'avouer qu'on n'a pas totalement renoncé aux protéines animales. La majorité des élus ayant répondu à Libé un 7 août malgré l'attrait de la plage (ou du barbecue) se revendiquent en revanche flexitariens, cette tendance qui consiste à réduire sa consommation de viande.

De bonne ou de mauvaise foi, il y a pas mal d'obstacles à opter pour le 100 % légumes quand vous êtes élu. Si vous venez d'une circonscription à forte concentration d'éleveurs, par exemple. Pas végétariens, donc, mais tous très en pointe sur la qualité de la barbaque qu'ils consomment toujours : «Exclusivement des poulets label rouge», «du bœuf bio livré de ma circo» ou «presque que de la viande locale qui a pâturé dans les Deux-Sèvres», précise Delphine Batho, élue du cru.

«Même le Giec le dit : il y a un chemin où on peut continuer de manger de la viande mais moins et de meilleure qualité», veut se rassurer l'ex-LREM flexitarien Matthieu Orphelin qui a bataillé dans la région Pays de Loire pour ancrer la «cuisine alternative, pour ne pas dire végétarien parce que le mot fait peur» dans les lycées. A l'Assemblée, le restaurant met à la carte un plat végétarien tous les jours mais l'an dernier, les députés ont échoué à imposer cette «alternative végétarienne» dans les cantines : la majorité a préféré instaurer «une expérimentation pour un repas végétarien au moins une fois par semaine».

A gauche, on a bien noté que la relève arrivait à l'écologie par les questions de souffrance animale et d'alimentation. «Quand on avait 20 ans, on était trotskiste. Et eux, végans ! Ils sont révolutionnaires, comme nous l'étions, car ils veulent changer le monde en bannissant la souffrance animale», expliquait Jean-Luc Mélenchon en 2017, tout en confessant «trop aimer la viande de boucherie» pour suivre la jeune génération dans cette voie. Certains, pourtant, ont réussi leur conversion. En 2013 pour l'ex-député écolo Sergio Coronado, qui, avec une naissance au Chili et une enfance en Argentine, partait dans la vie avec un sérieux ascendant carné. Elu des Français de l'étranger pour l'Amérique latine enchaînant les vols transatlantiques, il «avait beaucoup à se faire pardonner côté bilan carbone» mais son choix alimentaire était surtout «une question d'incarnation et d'adéquation entre [s]a vie et [s]es idées politiques». «J'avais envie d'aller au bout de ma logique écolo», dit celui qui est passé depuis chez La France insoumise.

Le «déclic» du député LFI Bastien Lachaud date de juillet 2018 quand il a participé à une conférence sur les abattoirs. «Du jour au lendemain, je n'ai plus pu avaler un morceau de viande, raconte le parlementaire qui s'est battu, en vain, pour instaurer l'agar-agar comme alternative à la gélatine d'origine animale. Il faut une prise de conscience : on est dans un système qui exploite la planète, les hommes et les animaux : tout est lié.»