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Justice

Telegram : deux jeunes radicalisées lourdement condamnées

Deux jeunes filles, prosélytes sur la messagerie cryptée et poursuivies pour «association de malfaiteurs en vue de la préparation d’actes terroristes», ont écopé de sept et six ans de prison ferme.
Le palais de justice de Paris, dans le XVIIe arrondissement, en juin 2017. (Photo Ludovic Marin. AFP)
publié le 7 août 2019 à 16h35

Mercredi après-midi, le tribunal correctionnel de Paris a condamné Janna C., 21 ans et Djelika S., 25 ans, à respectivement sept et six années de prison ferme, assorties de deux tiers de sûreté. Les deux jeunes filles, déjà placées en détention, comparaissaient pour «association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes». L'avocat de Janna C., Me Simon Clemenceau a immédiatement fait valoir qu'il s'agissait d'une «peine particulièrement lourde par rapport aux faits». «On est quand même que sur des paroles», ajoutait-il après le délibéré, même si sa cliente, un peu sonnée, s'estime néanmoins soulagée de ne pas avoir écopé de dix ans, comme le ministère public l'avait requis à son encontre.

Extrême violence virtuelle

Sous surveillance de la DGSI, la jeune fille résidant dans le Puy-de-Dôme et baignant à l'époque dans une intense propagande de l'Etat islamique avait été interpellée en août 2016, alors qu'elle se disait prête à commettre une action violente au nom du jihad, et cherchait à convaincre Y., encore mineure, de commettre un attentat. Son amie virtuelle du groupe des «Lionnes» sur Telegram, Djelika S., originaire de l'Essonne, avouera plus tard à la police qu'elle devait commettre avec Janna une attaque au couteau, et qu'une fois réunies, leur projet consisterait à «tuer le maximum de personnes». Des propos qualifiés par la suite de «mensonges», assurait l'ancienne étudiante en sciences politiques de 25 ans devant le tribunal, lors de son audience le 12 juillet.

Face au profil de ces deux jeunes filles dont l'extrême violence virtuelle passée contraste avec l'intense fragilité mise au jour lors des débats, le procès cherchait à démêler la provocation pure des réelles velléités de passage à l'acte, en cette année 2016 particulièrement sous tension. A l'époque, la France se retrouvait frappée par une vague d'attentats isolés, comme à Nice le 14 Juillet, puis avec l'assassinat du prêtre Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray le 26 juillet. Un climat d'appel au meurtre entretenu par l'assise idéologique de certains leaders, dont Rachid Kassim, un jihadiste roannais parti rejoindre le «Sham» et qui appelait ses disciples à commettre des tueries en masses en France via sa chaîne Telegram «Sabre et Lumière», autour de laquelle les deux jeunes filles gravitaient.

Une menace toujours sérieuse pour l’Europe

Le tribunal a tranché, jugeant les propos des deux jeunes filles ayant prêté allégeance à Daech «très inquiétants», tout en évoquant une attitude en détention préoccupante. En plus de sa peine, le tribunal a demandé cinq années supplémentaire de suivi socio-judiciaire dans le cas de Janna C., ainsi que l'inscription des deux amies au Fichier judiciaire des auteurs d'infractions terroristes. La procureure avait quant à elle requis dix et huit ans à l'encontre de Janna C. et Djelika S., reconnaissant que si elles avaient «trouvé dans le jihadisme-suicide le moyen d'exprimer un mal-être profond», elles n'en étaient pas «moins dangereuses et moins déterminées».

Ce jugement survient quelques jours après la publication d'un rapport de l'ONU, affirmant que le terrorisme islamiste constitue toujours, malgré les récents revers qu'il a pu subir, une menace sérieuse pour l'Europe. Pour rappel, en France, au moins cinq attentats liés à l'islamisme radical ont été déjoués sur le sol français depuis le début de l'année. Le rapport, fruit d'informations fournies par divers services de renseignements nationaux, alerte notamment sur le flou qui entoure le sort de 30 000 combattants venus de l'étranger gonfler les rangs de Daech, et qui n'ont pas été déclarés morts. «Certains d'entre eux peuvent être amenés à rejoindre Al-Qaeda ou d'autres groupes terroristes qui pourraient émerger. Certains pourront devenir des leaders ou des "radicalisateurs"», note le rapport, qui remarque par ailleurs que les programmes de déradicalisation mis en place dans les pays membres ne se sont «pas révélés entièrement efficace», et attire l'attention sur les phénomènes de radicalisation en prison.