Un conteneur jaune et des tuyaux viennent d’être déposés à proximité de la rue de la Cité, annonçant mardi matin le début du nettoyage du plomb des rues avoisinant Notre-Dame de Paris. Au bout du quai du Marché neuf, un camion semi-remorque vient de repartir après avoir débarqué du matériel lourd : deux conteneurs, d’énormes bidons en plastique sombre, des tuyaux, divers pompes et appareils.
Les travaux vont s’étaler jusqu’au 24 août. Ils ont été délimités en phases et en zones. Au total, 10 200 m² environ doivent être décontaminés par divers procédés. Deux sociétés ont été chargées de mener ces interventions. Première phase : aspirer tout ce qui peut l’être sur l’asphalte dans le quartier de la Cité, puis un brossage avec un produit tensio-actif et, enfin, un rinçage à haute pression permettant une récupération immédiate des eaux polluées par aspiration. La zone 2 concernera l’ensemble du parvis ainsi que l’angle de la rue d’Arcole et de la rue du Cloître.
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Pour tout ce qui concerne le mobilier, comme les bancs et les lampadaires, mais aussi le granit, la pierre ou encore le travertin, un gel désincrustant dépolluant sera badigeonné à l'aide d'une brosse. «Nous allons appliquer un gel sur le parvis et les rues adjacentes», expliquait Anne Souyris, adjointe EE-LV à la mairie de Paris chargée de la Santé, à Libération la semaine dernière. «Nous attendons ensuite qu'il sèche, pour l'enlever au bout de trois jours. Le gel absorbe le plomb. L'intérêt de cette méthode est qu'elle ne redisséminera pas le plomb dans l'air. Selon les tests effectués, il n'y a aucune volatilisation du plomb possible pendant l'opération. Il vaut mieux ça plutôt qu'une cloche au-dessus de Notre-Dame, qui ne servirait qu'à la confiner», souligne l'élue.
Priorité aux écoles
Dans les écoles, la société Séché Urgences Intervention, mandatée par la ville de Paris, s'occupe du chantier de dépollution. «L'entreprise est spécialisée dans le plomb, il n'y a aucun doute sur l'efficacité des techniques mises en œuvre, indique la mairie. A la fin des travaux, prévue le 24 août, nous referons des prélèvements afin d'assurer que tout va bien. Si tel n'est pas le cas, nous ne rouvriront évidemment pas l'établissement concerné.»
A l'école privée Saint-Benoit (VIe arrondissement), fermée fin juillet en raison des taux de concentration de plomb trop importants relevés sur place, les travaux de dépollution ont commencé mercredi dernier. «Dans la cour de récréation, les ouvriers posent d'abord un produit qui fixe le plomb sur le bitume. Au bout de trente minutes, le plomb est totalement fixé. Ensuite, l'équipe procède à une opération de débitumage, en enlevant cinq centimètres de bitume dans la cour, qui permet au plomb de ne pas se propager. Une fois la manipulation terminée, une couche de goudron neuf est appliquée sur l'ensemble de la cour», indique le service de la communication de la ville de Paris. La phase de débitumage devrait se terminer mercredi.
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L'école Saint-André des Arts (VIe) ne bénéficiera pas du même traitement que l'école Saint-Benoit. En effet, la courette touchée par un taux anormalement élevé de plomb n'est pas une zone à risque, puisqu'elle est habituellement fermée aux élèves. Par précaution, les ouvriers utiliseront cependant la technique du gel qui décape le plomb des sols sous trois jours. A l'intérieur de chaque établissement sont aussi effectués des nettoyages humides recommandés par l'Agence régionale de santé : lingettes, serpillières, balais humides… sont utilisés pour attraper le plomb et l'éliminer.
Des procédures très strictes
Suspendu fin juillet en raison de la nécessité d’évaluer ces risques, le gigantesque chantier de sauvetage de Notre-Dame devrait reprendre le 19 août. Il s’agira notamment de mettre en place les équipements de protection des employés des entreprises qui interviennent sur place, des charpentiers aux tailleurs de pierre. Des douches, des procédures très strictes d’équipements et de décontamination à chaque sortie du chantier sont prévues. Chaque ouvrier pénétrant dans la cathédrale est équipé de manière à protéger sa santé et à ne pas propager le plomb : casque, chaussures de chantier, masques respiratoires, et gants sont de rigueur.
Ce sera progressivement, peut-être en septembre seulement, que les travaux reprendront à plein régime, alors que la première phase, la sécurisation et la consolidation, n’est pas encore achevée. Il faudra notamment terminer le renforcement avec des cintres sous les arcs-boutants de la cathédrale, cette fois-là au-dessus de la nef. Après cette phase, resteront à déterminer la nature précise des travaux, les matériaux à utiliser, les sociétés retenues et la reconstruction ou non de la flèche à l’identique.
L'incendie qui a en partie détruit la cathédrale le 15 avril a fait fondre et s'écouler la toiture de l'édifice et la flèche, libérant sous forme de particules des centaines de tonnes de plomb. La ville de Paris et la préfecture ont été critiquées par plusieurs associations pour n'avoir pas révélé l'étendue de la contamination et pris trop tard des mesures de précaution.