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Toulon : Cécile Muschotti, du communisme au macronisme

Investie par le parti présidentiel pour les municipales de 2020, la députée LREM du Var a eu un parcours sinueux. Le reflet d'une ambition débordante, selon ses adversaires.
Cécile Muschotti à l'Assemblée, le 26 juin 2019. (THOMAS SAMSON/Photo Thomas Samson. AFP)
publié le 14 août 2019 à 16h24

Le macronisme ne se soucie pas des vies antérieures. Il fait, assurent ses représentants, une place à chaque bonne volonté, peu importe le parcours qui l'aurait conduit à lui. En faisant de la députée Cécile Muschotti sa candidate à la mairie de Toulon, le parti présidentiel a fourni un exemple frappant de cette ouverture. La jeune élue, qu'il envoie au feu contre le «système Falco», présente une trajectoire insolite l'ayant menée en une dizaine d'années du communisme – un engagement qu'elle s'efforce de relativiser – à LREM.

«J'y vais pour gagner», assure cette alerte marcheuse de 31 ans, qui veut ouvrir la préfecture du Var au tramway et mutualiser les polices municipales de la métropole. La tâche s'annonce difficile face au maire Les Républicains (LR), Hubert Falco, en place depuis 2001, toujours réélu au premier tour depuis, et probable candidat à un quatrième mandat. Pour sa concurrente, le scrutin pourrait d'abord être une occasion de prendre date. «Les opposants de Falco n'ont pas de notoriété et la machine clientéliste va jouer à plein», estime un acteur local. «L'horizon de Cécile est plutôt 2026 que 2020. Je pense qu'elle l'a intégré», juge un autre.

«C'est la candidature du panache», résume un cadre macroniste, confirmant à sa façon la hauteur de l'obstacle. La République en marche (LREM) se voit en «rempart républicain» face au Rassemblement national (RN) et au maire sortant : «Toulon, c'est Gomorra en Provence, Levallois sans le périph !», dénonce-t-on. Si Falco n'a pas souhaité réagir auprès de Libération, il moque volontiers le parcours politique de son adversaire : «Quelle belle constance dans les convictions !», ironisait-il en février sur son blog à l'endroit de Cécile Muschotti.

Faucille et marteau sur la cheville

Lycéenne, celle-ci a mené ses premiers combats en 2005, contre la loi Fillon sur l'école, et en 2006 dans la mobilisation anti-CPE. Avant de relancer, l'année suivante, la section varoise des Jeunesses communistes, dont elle devient responsable. En septembre 2008, empêchée de manifester aux abords d'un meeting de Nicolas Sarkozy à Toulon, la jeune femme dénonce par communiqué les méthodes «totalitaires, dictatoriales», voire un peu «fascistes», des forces de l'ordre.

Cet engagement, la candidate tient aujourd'hui à l'euphémiser : c'est l'histoire, insiste-t-elle, «de lycéens qui refaisaient le monde autour d'un feu de bois», elle-même n'étant alors âgée «que de quinze ou seize ans». Elle en a une bonne vingtaine, en réalité, au début du quinquennat Sarkozy. Un ancien des Jeunesses communistes le certifie : sa camarade porte alors une faucille et un marteau tatoués sur la cheville. «Ce n'est pas vrai, proteste-t-elle, on se dessinait juste des choses sur les bras.»

Convertie à «une forme de pragmatisme», elle quitte le PCF en 2010 et figure aux régionales de la même année sur la liste du Parti socialiste (PS). Sans succès. Cinq ans plus tard, c'est comme tête de liste varoise qu'elle aborde le scrutin. Mais elle est, cette fois, victime du retrait de la liste de Christophe Castaner, devancée au premier tour par la droite et le Front national. Furieuse, elle milite en interne contre un désistement qui la prive à nouveau de mandat. «Il nous manquait encore beaucoup de données pour se décider le soir où Christophe Castaner a fait ce choix», justifie-t-elle aujourd'hui, toujours sceptique sur la stratégie du «front républicain».

«Soit vous êtes élu et vous pesez, soit vous ne l’êtes pas» 

L'épisode n'est pas anodin dans la mesure où LREM exige de ses candidats qu'ils se retirent si leur maintien peut favoriser la victoire du RN. Cécile Muschotti y consent sans enthousiasme, voyant en Hubert Falco un autre genre de «danger pour les valeurs républicaines». «En 2015, après le retrait, on a essayé d'exister autrement, mais il n'y a pas d'entre-deux, poursuit-elle. Soit vous êtes élu et vous pesez, soit vous ne l'êtes pas.» 

Le même «pragmatisme» est à l'œuvre en 2017 : investie par le PS aux législatives, elle change in extremis de casaque et concourt finalement sous étiquette En marche. A l'ex-socialiste, qui voit alors dans «l'idéologie gauchiste» de Benoît Hamon une «catastrophe» pour la gauche, Emmanuel Macron semble ouvrir «un fantastique champ des possibles». Il est vrai que l'étiquette PS semble moins porteuse que jamais dans un département ancré à droite. Aujourd'hui, même si elle a fait partie des députés marcheurs s'étant abstenus sur la loi anticasseurs ou la ratification du traité de libre-échange UE-Canada (Ceta), la Toulonnaise ne se réclame pas de «l'aile gauche» de la majorité et ne tient pas spécialement à y être associée.

«Je crois que Cécile a de l'ambition», commente avec pudeur une connaissance. D'autres, on s'en doute, ont le jugement plus sévère : «Je pense qu'elle n'a aucune conviction, témoigne une socialiste varoise. Je sais qu'il y a des gens qui évoluent, mais je la crois, elle, capable de défendre n'importe quoi, et surtout elle-même.» Même jugement chez une autre figure de la gauche locale : «Sa seule colonne vertébrale, c'est son ambition. Elle est capable de s'adapter à à peu près à tout et à tout le monde.» J'y vais pour gagner, répondrait sans doute la candidate.