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Libération
Éditorial

Souffrance

publié le 15 août 2019 à 20h26

Pour comprendre le calvaire des hôtesses plantées dans les halls d’exposition ou à l’accueil des entreprises, il suffit de s’imaginer debout une journée entière sous des spots lumineux et dans les courants d’air, chaussée d’escarpins à talons causant d’épouvantables ampoules, sous le regard salace d’hommes en costard, survoltés par les coupes de champagne et les objectifs commerciaux à atteindre. Le tout pour gagner le smic. Et avec l’interdiction de se plaindre, l’hôtesse se devant d’être souriante et avenante, même enrhumée ou en deuil. Et il va sans dire qu’au-delà de 40 ans, les perspectives d’avenir dans le métier sont restreintes. Ce calvaire, beaucoup l’ont subi et le subissent encore en serrant les dents, soit parce qu’il s’agit d’un job d’appoint - donc limité dans le temps - soit parce que les possibilités de reconversion sont trop peu nombreuses et qu’il vaut mieux éviter de lâcher la proie pour l’ombre. Ces femmes sont à la fois surexposées et invisibles, leur boulot étant de paraître et surtout pas d’être, de condenser tous les clichés historiquement accolés aux femmes, à savoir le sex-appeal et le réconfort, la maman et la putain. Le tollé soulevé par ces hôtesses du Tour de France chargées d’accueillir et d’embrasser (nous y sommes) le maillot jaune a pu en surprendre plus d’un, incapable de comprendre comment l’on pouvait remettre en question une telle tradition. Mais il est bien là, le drame : ces hôtesses font à ce point partie des images de notre quotidien que l’on ne voit plus la souffrance et l’injustice derrière les sourires. Il y a une véritable révolution à mener, à la fois personnelle et collective, pour changer le regard que nous posons sur ces femmes (les hommes sont encore très minoritaires) omniprésentes dans notre société. Est-ce que cela doit passer par un hashtag ? Pourquoi pas, s’il initie un mouvement de fond. Après tout, #MeToo est un précédent.