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Libération
Récit

Des survivants du Bataclan s'alarment d'une éventuelle disparition de la Brigade de recherche et d’intervention

Le ministère de l'Intérieur et la préfecture de police de Paris étudient une possible fusion entre l'unité d’élite et son grand rival, le Raid.
Des policiers de la BRI à Strasbourg, le 12 décembre 2018. (Photo Frederick Florin. AFP)
publié le 16 août 2019 à 18h07

«La BRI et ses hommes au grand cœur va être dissoute.» La supplique, publiée sur Twitter, n'émane pas du compte de l'un des policiers de ladite Brigade de recherche et d'intervention… mais d'une prise de parole publique : celle de sept rescapés du Bataclan, alors qu'une réforme menace l'avenir de l'unité d'élite de la préfecture de police de Paris (PP).

Dans l'éloge mis en ligne mercredi, les anciens otages du «couloir» du Bataclan, sauvés par l'intervention de la BRI le soir du 13 novembre 2015, affirment vouloir «défendre les hommes qui ont risqué leurs vies» pour sauver les leurs. En cause, le sort même de l'unité, «ballottée comme un vulgaire sac dans une mer politique». En réalité, la BRI ne serait pas vouée à une disparition définitive, mais plutôt à une fusion avec le Raid, le corps d'élite de la police nationale et… son plus grand rival.

Cette fusion pourrait survenir dans le cadre d'une «réforme de grande ampleur de la préfecture de police de Paris», rappelle le texte des otages, faisant ainsi allusion aux pistes explorées depuis maintenant plusieurs mois par le ministère de l'Intérieur au sujet de l'institution. Un rapport du préfet de police de Paris, Didier Lallement, a ravivé le débat début juillet, en proposant d'unir la BRI au Raid, brusquant au passage la principale intéressée, qui affirme ne pas avoir été consultée, ainsi que les syndicats de police, également mis à l'écart du processus de réflexion.

Vieilles rivalités

La BRI, placée sous l'autorité exclusive du préfet de police de Paris, mobilisable dans la capitale et tous les départements de la petite couronne, se déploie sur des interventions comme les vols à main armée, les séquestrations et les prises d'otages. Anciennement surnommée «Antigang», elle assure également des missions de police judiciaire, une de ses «principales forces» fait valoir un gradé de la préfecture de police ; une prérogative qui la distingue foncièrement du Raid.

Lors des attentats de 2015, la BRI s'était illustrée par sa qualité d'intervention, réveillant au passage de vieilles rivalités l'opposant aux autres corps d'élite, tels que le Raid et le GIGN (l'unité d'intervention de la gendarmerie). Le soir du 13 Novembre, les hommes de la BRI étaient les premiers à intervenir au Bataclan, secondés par les forces du Raid. Cinq jours plus tard, à Saint-Denis, c'est le Raid qui pilotait l'assaut contre la planque d'Abdelhamid Abaaoud, Chakib Akrouh et Hasna Aït Boulahcen, avec les errements que l'on connaît (des milliers de cartouches tirées, un chien de l'unité tué, et des voisins des terroristes blessés).

Mais plus qu'une rivalité entre deux corps, les tensions suscitées par la possible fusion entre le Raid et la BRI émanent du registre politique. Tandis que ses pourfendeurs emploient une rhétorique budgétaire, celle-ci serait infondée selon notre source à la préfecture : «L'argument budgétaire me paraît fallacieux. On dit que la BRI coûte cher avec ses missions, mais sa polyvalence fait qu'ils ne tournent pas en rond.»

Un argument d'autant plus étonnant qu'en 2016 les effectifs de la BRI étaient jugés insuffisants par l'ex préfet de police Michel Cadot, qui a ordonné leur doublement. «Il semblerait qu'il n'y ait pas tant une volonté de modifier la BRI aujourd'hui, qu'une volonté politique d'afficher des réformes du côté du ministère de l'Intérieur», analyse la source sécuritaire. En ligne de mire donc, la fameuse préfecture parisienne, instituée au temps de Napoléon, et régulièrement qualifiée depuis d'Etat dans l'Etat. «Attaquée, la PP a riposté en choisissant de céder sur la BRI», avance le gradé, avec cette idée qu'elle servirait de caution pour sauver le reste.

«Rien d’officiel»

Du côté du syndicat des officiers de police SCSI, la nouvelle est accueillie avec moins de réserve. «La police nationale souffre de son mille-feuille de services, y compris s'agissant de ses forces d'élite d'intervention», reconnaît Guillaume Ryckewaert, son secrétaire national. Il admet avoir conscience qu'une telle réforme puisse «inquiéter et attrister la population et certains policiers pour des motifs plus affectifs». Philippe Capon, secrétaire général Unsa Police, se veut, lui, plus prudent : «Pour l'instant, il n'y a rien d'officiel. Cette piste a fuité, mais elle demeure une proposition parmi d'autres.» Et de rappeler, au passage, que de nombreux projets de réforme évoqués dans le passé sont restés au stade embryonnaire.