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Extinction Rebellion

Témoignages : «J’ai eu envie de chialer quand j’ai réalisé que la dernière luciole que j’avais vue remontait à mes 10 ans»

Pendant une conférence de Roger Hallam, cofondateur du mouvement écologiste Extinction Rébellion, à la Bellevilloise, à Paris, le 11 août. (Photo Denis Allard)
publié le 16 août 2019 à 21h06

David, 45 ans, biochimiste, à Pantin (Île-de-France) : «Si on continue, les trois quarts de la planète ne seront plus habitables»

«Adolescent, j'ai été marqué par Soleil vert, un film d'anticipation qui raconte le réchauffement d'une planète en train de mourir à cause de l'activité humaine, à tel point qu'il n'y a plus rien à manger. Ce film m'a amené à me sensibiliser à l'écologie pour ne pas me retrouver dans une planète sans ressource. Je suis père de deux filles. Après m'être séparé de ma compagne, une semaine sur deux je me suis retrouvé seul et j'ai eu du temps pour réfléchir. Je me suis posé la question "Peut-on vraiment avoir une croissance infinie dans un monde aux ressources finies ?". Evidemment la réponse est non. J'ai lu un certain nombre de livres, j'ai regardé des documentaires et je me suis rendu compte que la destruction de l'environnement était plus importante que je le pensais. A ce rythme-là, nous allons vers l'effondrement de notre civilisation.

«Avec Extinction Rebellion, j’anime des conférences dans lesquelles je démontre par des faits scientifiques que nous allons vers l’extinction du vivant. Par exemple, 60 % des vertébrés ont disparu en quarante ans, un tiers des oiseaux ont disparu des campagnes françaises en quinze ans à cause de l’activité humaine, des pesticides. Si on continue, les trois quarts de la planète ne seront plus habitables par les humains, sans parler du reste du vivant.

«Les canicules seront tellement importantes que l’humidité et la chaleur feront que le corps ne pourra pas résister. Il y a des parties entières de continents où les gens vont soit mourir soit migrer d’ici quelques dizaines d’années. Ce qui me fait extrêmement peur, c’est que, quand les gens vont se rendre compte que le système dans lequel nous vivons, qui promet toujours plus de croissance, n’est pas possible, il risque d’y avoir des réactions hyper violentes.»

Romane, 16 ans, lycéenne, à Chaux-des-Crotenay (Jura) : «Le changement des habitudes n’est pas réservé aux riches»

«Je vis avec mes parents dans une maison entourée de champs et d’une forêt, à l’extrémité d’un village de 400 habitants. Dans nos champs, l’herbe est désormais jaune à cause de la canicule alors que, dans le Jura, jamais nous n’aurions imaginé cela. Les paysans ont été obligés de donner du foin à leurs vaches en été alors que ça sert pour l’hiver, quand il n’y a plus d’herbe. Les vaches n’auront donc plus rien à manger. Nous sommes dans un système complètement destructeur. Tout ce qui est lié à notre confort abîme l’environnement, c’est tout sauf durable. Il existe des gestes écologiques tout simples et pas chers à mettre en place, comme acheter de la nourriture moins emballée et des produits locaux, essayer de manger moins de viande, utiliser du shampoing solide plutôt que liquide dans une bouteille en plastique.

«Le changement de nos habitudes de consommation n'est pas réservé aux riches, c'est un cliché. Dans le livre témoignage l'Homme sans argent, de Mark Boyle, l'ex-homme d'affaires réussit à vivre sans argent pendant un an, donc nous pouvons y arriver avec un petit peu d'argent. Je n'ai pas du tout envie de renoncer à mon confort mais nous n'avons pas le choix. Si on ne prend pas des mesures radicales, il y aura de graves problèmes. C'est la vie avec un grand V qui est en danger. Plus tard, je ne pourrai peut-être jamais faire d'enfants parce qu'il n'y aura plus assez de nourriture sur Terre à cause de la chaleur. J'ai rejoint Extinction Rebellion, où nous parlons du plus gros problème que l'humanité ait connu, à savoir la fin du monde si nous ne faisons rien. C'est scientifiquement prouvé. Je soutiens totalement Greta Thunberg. Sans elle, je n'aurais pas pris conscience de la gravité de la situation. Ce qu'elle fait, c'est pour nous tous. Elle veut juste sauver la vie.»

Carole, 41 ans, agricultrice d’une ferme bio, à Châtignac (Charente) : «J’ai eu envie de chialer quand j’ai réalisé que la dernière luciole que j’avais vue remontait à mes 10 ans»

«Après avoir rencontré mon mari, ouvrier agricole, j'ai découvert que je préférais passer du temps à produire ce dont j'avais besoin plutôt que de passer du temps à gagner ce qu'il me fallait pour me le payer. J'ai toujours voté gauche ou extrême gauche, voire écolo. Mon grand père me disait : "Il faut savoir des choses pour te faire ton propre cheminement et comprendre pourquoi tu défends quelque chose." J'ai commencé à lire de la littérature scientifique sur l'alimentation, sur le bio. Avec mon mari, nous avons une ferme où nous produisons une agriculture paysanne bio en vente directe pour nourrir les gens autour de nous et être nous-mêmes autonomes. J'ai des vaches élevées sans soja, qui rend la viande de mauvaise qualité et qui engendre de la déforestation en Amazonie. Cette année, on n'a vu que deux merles au lieu des 20 ou 30 qu'il devrait y avoir dans une ferme comme la nôtre. C'est dramatique. Enfant, dans le Vaucluse, il y avait tout l'été plein de lucioles dans mon jardin. Je n'en ai revu qu'une seule il y a deux ans. J'ai eu envie de chialer quand j'ai réalisé que la dernière que j'avais vue remontait à mes 10 ans. Je pense que les gens manquent cruellement d'éducation populaire. J'étais adhérente chez Greenpeace et Sea Shepherd, et j'ai commencé à suivre ce que faisait Extinction Rebellion à Londres. Le mouvement est dans une démarche d'urgence basée sur des constats scientifiques. C'est maintenant qu'on vit la sixième extinction de masse.»