Menu
Libération
Témoignage

Christian Payen maire de Béthencourt (Nord) «Le gars, déjà plusieurs fois condamné, est venu à la mairie pour que je retire ma plainte»

publié le 20 août 2019 à 20h26

Christian Payen, maire de Béthencourt, un village de 778 habitants dans le Nord, près de Cambrai, adore ce qu'il fait : «un boulot à plein-temps». Il poursuit : «C'est pas un cadeau, hein, la fonction de maire. Mon épouse dit :"Toi, tu aimes bien les emmerdes."» Grand éclat de rire jovial. Il a déjà achevé une voiture, dans ses allers-retours vers Valenciennes ou Lille, pour les réunions qui souvent peuplent ses soirées.

A 68 ans, Christian Payen finit son premier mandat et compte bien rempiler lors du scrutin de mars. L'ancien gérant de société ne sait pas vraiment combien il gagne par mois, «dans les 1 000 euros ». Il reprend : «De toute façon, il ne faut pas faire cela pour l'argent.»

Son épouse connaît la chanson, elle vient d'une famille de maires : son père, mais aussi ses deux frères. «Dans les repas de famille, vous avez les maires ensemble, et devinez de quoi ils parlent…» Des histoires de Clochemerle, l'angélus qui sonne trop tôt le matin. Mais aussi de la loi Notre (nouvelle organisation territoriale de la République), avec sa volonté de regrouper les communes, qui ne le ravit pas : «Mutualiser, ce n'est pas si évident sur le terrain. Pour une salle de sport, par exemple, les jeunes ont tous besoin des mêmes créneaux horaires.» Et puis «ce sont les communes les plus importantes qui chapeautent, les autres n'ont plus rien à dire». Idem pour la baisse du nombre de députés : «Ce sont les grandes villes qui vont les garder. Et nous, comment on fait pour remonter l'info ? Je vais écrire au député de Lille ou de Douai, mais ils ne me connaissent pas.»

Alors, la consultation lancée au lendemain de la mort du maire de Signes (Var) par la commission des lois du Sénat «sur les menaces et les agressions auxquelles ils sont confrontés dans l'exercice de leur mandat», ça ne lui fait ni chaud ni froid. «Si c'est pour remplir un questionnaire, ça ne m'intéresse pas.» Parlez-lui plutôt des dotations de l'Etat de moins en moins généreuses et des moyens pour tenter de s'en sortir quand même. «Chez nous, nous avons un plan éoliennes», explique-t-il : «Elles sont en pleins champs, elles ne dérangent personne, et ça rapporte près de 50 000 euros au budget communal», d'environ 1 million. Bien obligé pour ne pas augmenter les impôts.

A Béthencourt, où la population est plutôt aisée, il n'y a pas de problèmes, quelques jeunes qui rouspètent quand Christian Payen débarque pour les virer de la salle de sport, «mais ils n'osent rien me dire en face». Il n'empêche, la mort du maire de Signes l'a fait frémir. «Ma femme m'a dit : "Tu aurais pu avoir le tour" ["ça aurait pu être toi", ndlr] Lui aussi a pris en photo une camionnette qui déchargeait illégalement des gravats, avec plainte à la gendarmerie. «Le gars, déjà plusieurs fois condamné, est venu à la mairie pour que je retire ma plainte. Mais je n'étais pas là.»