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Libération
Tension

A Aulnay-sous-bois, tirs, coups et blessés sur le tournage d’un clip de Booba

Dans la nuit de mardi à mercredi, une quinzaine de personnes ont fait irruption près de l’entrepôt où était réalisée la vidéo. Plusieurs balles ont été tirées et des membres de l’équipe technique blessés.
Booba, en septembre 2018 au tribunal de Créteil (Val-de-Marne). (Denis ALLARD/Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 21 août 2019 à 20h26

«Ne crois-tu pas qu'je sais c'que j'fais ? / Tellement longtemps que j'fais la guerre / Le prochain c'est Damso, m'fais pas jurer la vie d'ma mère.» En pleine rhétorique provocatrice comme à son habitude, Booba tournait mardi le clip de son dernier titre, Glaive. Ironie du sort, c'est lui et son équipe qui ont été pris pour cible. Peu après minuit, le tournage se termine, cinq voitures se garent à proximité de l'entrepôt désaffecté d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) investi pour le clip. Une quinzaine de personnes, armées pour certaines de barres de fer et battes de base-ball se pointent sans invitation. La tension monte. Et ça dégénère. L'équipe du «Duc de Boulogne» est prise à partie. Le rappeur, roi des clashs en ligne, n'est pas sur place. Il a quitté l'entrepôt peu de temps avant.

Jets de parfum

Des coups de feu éclatent, les coups fusent. La situation demeurait encore «peu claire» mercredi, a indiqué le parquet de Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui a ouvert une enquête. Une seule certitude : au moins un homme a été touché par balles et plusieurs blessés, dont le réalisateur de Booba, Chris Macari. Le parquet assure ne disposer d'aucun élément sur le motif. Les policiers du secteur, alertés par les détonations, n'auraient pas été en mesure d'interpeller les suspects, qui ont pris la fuite avant leur arrivée.

Désormais, les regards se tournent vers Booba, qui collectionne les ennemis. L'expatrié (il réside à Miami) dont les affaires roulent (musique, production d'artistes, marque de vêtements et de whisky, boîte d'agents de footballeurs, média diffusé sur le câble…) bouscule ses collègues sur les réseaux sociaux depuis des lustres. Des humiliations à la chaîne. La liste de ses victimes est aussi longue qu'un jour d'été : Seth Gueko, Sinik, Diam's, La Fouine, Rohff, Kaaris et, récemment, Damso - que des figures respectées. Un soir d'hiver, Rohff nous confiait : «Je n'ai jamais voulu me clasher, ce n'est pas mon truc. Lui, par contre, il m'a attaqué sur les réseaux sociaux pour faire le buzz. J'ai mis du temps à répondre parce que je ne comprenais son intérêt. Après je n'ai pas eu d'autre choix car il pousse à bout.»

L’été dernier, Booba avait déjà squatté la page des faits divers. L’expatrié croise Kaaris à l’aéroport d’Orly après des mois passés à se chatouiller et à se menacer en ligne. Coups de poing, balayettes et jets de parfum au milieu de la foule : le duty free saccagé, le trafic aérien perturbé et la rixe largement filmée par des témoins assurent à la baston une place éternelle dans l’histoire des clashs. Les deux riches, célèbres et pères de famille terminent le soir même en prison avec neuf autres personnes.

Depuis leur affrontement, les deux rappeurs entretiennent le suspense autour de leur futur combat, cette fois officiel et sur un octogone de MMA (Mixed Martial Arts), pour régler une bonne fois pour toutes leur différent. Celui-ci devait avoir lieu en Suisse le 30 novembre mais la ville de Bâle a annulé il y a quelques jours le rendez-vous, craignant les représailles qui pourraient éclater à l'issue de cette rencontre. Une décision qui n'a pas démotivé les deux adversaires. «L'événement ne sera pas annulé pour autant, n'en déplaise à nos détracteurs», ont fait savoir Booba et Kaaris.

Prisonnier

En février, à Paris, on a longuement échangé avec Kaaris sur cet épisode et les clashs en général. «Il faut prendre conscience d'une chose : Elie Yaffa [Booba à l'état civil, ndlr] pense que lorsqu'il veut quelque chose, il faut que cette chose se fasse. Lui voudrait que ma carrière s'arrête et il n'y arrive pas. Il n'y arrivera jamais», répondait-il. Et lorsqu'on lui demandait pourquoi il n'esquivait pas les piques : «Je ne peux pas me laisser faire, je ne me suis jamais écrasé. Et même si j'arrêtais, il continuerait. Regarde La Fouine : il continue de recevoir des piques alors qu'il ne répond plus.» Sa façon à lui d'expliquer qu'il est prisonnier des règles du jeu imposées par Booba.

Mercredi, un peu après midi, Booba a réagi à l'attaque sur son terrain préféré : les réseaux. On le voit dans une story Instagram en compagnie de son ami et rappeur Gato, qui était également présent lors de la rixe d'Orly. Mine détendue, le rappeur prend la pose et se laisse aller en mimiques faussement apeurées devant un écran de télé où défile un bandeau de BFM TV : «Booba : fusillade lors d'un clip.» Il lâche : «Armand, c'est noir tout ça.» Gato rit. Armand comme le prénom de Kaaris à l'état civil. Comprendre : le Duc de Boulogne soupçonne son rival d'être à l'origine de l'attaque. Aucune preuve mais l'important est ailleurs : le clash, qui déborde des réseaux sociaux et atterrit une nouvelle fois dans la vraie vie, paraît sans fin. Booba en a fait un slogan : «La piraterie n'est jamais finie.» Même quand le sang coule.