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Libération
Dans le jardin de la sorcière (5/7)

Gris-gris et graminées

Aubépine et noisetier, joubarbe ou alchémille, verveine et millepertuis… Tour d’horizon des plantes qui rendent amoureux, protègent ou accablent. Aujourd’hui, les porte-bonheur.
L’achillée, qui aurait soigné le talon d’Achille, d’où son nom. (Photo Emmanuel Pierrot)
par Stéphanie Maurice, Photo Emmanuel Pierrot
publié le 21 août 2019 à 17h06

Qui n’a jamais cherché, nez dans l’herbe, le trèfle à quatre feuilles ? Amulette de tout temps, à sécher et à garder sur soi, pour connaître chance et richesse toute sa vie. Il est une mutation rare du trèfle blanc, un sur 10 000. Les amulettes contrent les sorts et sont bénéfiques. Un bout de branche d’aulne dans une pochette de tissu protège du mauvais œil les hommes et le bétail. Car, on le sait à la campagne, les sortilèges de jalousie sont courants. Ils visent le voisin trop prospère, au troupeau fécond. La verveine désensorcelle : le chasseur qui manque son gibier et se croit victime d’un malveillant en frotte son fusil. Elle est l’une des plantes de la Saint-Jean, avec l’armoise, le millepertuis ou l’achillée, qui aurait soigné le talon d’Achille, d’où son nom. C’est un rituel toujours important, la cueillette dans la nuit d’avant le solstice d’été, qui date d’avant le christianisme : les herbes à pouvoir magique ou médicinal (les deux se confondent) sont réputées être au faîte de leur puissance à ce moment précis de l’année.

A l’aube, à la rosée, heure propice, les sorcières et autres guérisseuses, mais aussi gens du peuple, vont dans les bois et les champs. Certains, prudents ou respectueux des esprits de la forêt, laissent un don à la place de la plante ramassée, piécette ou nourriture, d’autres, croyant à l’enfer, les cueillent à reculons, ou de la main gauche, pour dérouter les démons possibles.

Ces pratiques ont déplu à l’Eglise catholique, qui a interdit les cueillettes de la Saint-Jean quand, à la Renaissance, les rebouteuses, matrones et sorcières ont été pourchassées. Aujourd’hui encore, elles composent des bouquets réputés guérisseurs, ou leurs feuilles séchées composent des amulettes portées dans un petit sachet autour du cou. Outre ces plantes d’été, nées du soleil, un marron d’Inde dans la poche évite les hémorroïdes. C’est pour sa forme, proche de ce qu’il est censé soigner, que les paysans l’ont adopté. L’ironie, c’est qu’aujourd’hui, l’extrait d’écorce de marron d’Inde, tonique veineux, est en effet préconisé dans ces maux du fessier. La pharmacopée des simples a le vent en poupe.

Série réalisée avec le concours de Frédéric Dupont, professeur en ethnobotanique à l'université de Lille, et Christophe Auray, auteur de l'Herbier des paysans, des guérisseurs et des sorciers (éd. Ouest-France).

Vendredi les protections de la maison