La cloche tinte. Les nuances de gauche enfilent leur cartable pour la rentrée. La saison s’annonce chargée entre l’opposition à Macron et les municipales. Certaines formations jouent leur maintien, d’autres la confirmation ou carrément le titre de champion. Comme toujours, il y aura des déçus et des heureux. En attendant, tout le monde y croit. Que ça soit les socialistes qui retrouvent La Rochelle, les communistes qui se réunissent à Aix-en-Provence ou les insoumis et les écolos qui lancent (séparément) leur saison à Toulouse.
Parti communiste : «Conserver notre ancrage local»
Objectifs. Après un mauvais score aux européennes, le Parti communiste français (PCF), dirigé par Fabien Roussel, va tenter de se relever lors des municipales. Avec plus de 600 maires et 7 000 élus municipaux, le scrutin de mars constitue une «élection vraiment essentielle», souligne son porte-parole Ian Brossat, avant d'ajouter que leur premier objectif est de «conserver cet ancrage local en portant fortement un certain nombre de sujets essentiels comme les enjeux du logement, la question du pouvoir d'achat, celle de la démocratie locale, le tout dans un contexte compliqué pour les communes avec la baisse des dotations de l'Etat et de plus en plus de transferts de compétences vers les intercommunalités». Le PCF va aussi continuer à participer «aux luttes comme la mobilisation des urgences et la réforme des retraites à venir. La Fête de l'Huma sera très largement consacrée à la mobilisation pour le référendum sur les Aéroports de Paris, avec l'objectif d'atteindre le million de signature à la mi-septembre [contre environ 670 000 actuellement, ndlr]», précise celui qui est à la fois adjoint d'Anne Hidalgo à Paris et tête de liste communiste pour les municipales.
Point faible. Le PCF ne trouve toujours pas la lumière. La saison dernière, lors des européennes, les rouges portés par le valeureux Ian Brossat ont mené une belle campagne. Des idées, des sourires, des salles pleines, une belle ambiance. Le PCF espérait passer les 5 %. Le soir des résultats, la vérité des urnes n'a pas fait dans le détail : 2,6 %, ni élus ni remboursement. Il faudra un peu plus qu'une bonne ambiance pour retrouver une place dans le paysage politique.
Point fort. Les rouges ont quelques bastions pour mener campagne et conserver des mairies. Le PCF peut aussi compter sur sa base militante, qui reste solide. Alors que des formations à gauche refusent de s'allier avec leurs voisins, les communistes restent ouverts à la discussion pour mener des batailles communes. Le PCF veut jouer en équipe.
Europe écologie-les verts : «Battre l’extrême droite et le libéralisme»
Le secrétaire national d'EE-LV, David Cormand, le 22 février. Photo Martin Colombet
Objectifs. Europe Ecologie-les Verts recense «une centaine de maires EE-LV ou apparentés», selon David Cormand, secrétaire national des écolos et député européen. Après un score de 13,5 %, les écologistes, arrivés troisièmes des européennes, espèrent «continuer à faire augmenter» le nombre de leurs adhérents (5 000 actuellement). Le principal enjeu pour le parti concerne les municipales de mars : «Nous ne devons pas décevoir les 3 millions d'électeurs qui ont voté pour nous lors des européennes», rappelle Marine Tondelier, qui sera de nouveau tête de liste EE-LV à Hénin-Beaumont. Le parti dit donc vouloir concrétiser, sur le terrain, le projet qu'il a porté lors des européennes. Paris, Nantes, Lille, Toulouse, Rennes sont des villes «où il y a des candidatures d'EE-LV qui sont solides, des équipes très motivées et des scores aux européennes qui dépassent les 20 %», ajoute Tondelier, organisatrice des journées d'été. Les écolos souhaitent aussi conserver la mairie de Grenoble avec Eric Piolle : «Nous avons démontré que les écolos savaient gérer des grandes villes.» Selon Cormand, «pour pouvoir gagner en politique, il faut un récit politique. C'est donc le contenu qui doit conduire éventuellement au rassemblement à terme. Et la matrice qui peut battre à la fois l'extrême droite et le libéralisme, c'est l'écologie».
Point faible. L'écologie sera au cœur de la bataille lors des municipales. Tous les candidats, même à droite, n'hésiteront pas à mettre une petite touche de vert. Et comme toujours, EE-LV devra se démarquer en disant aux électeurs que l'original est toujours mieux que la copie. Mais il ne sera pas toujours évident d'expliquer pourquoi les écolos affrontent ça et là des socialistes, avec lesquels ils ont dirigé telle ou telle mairie des années durant.
Point fort. Les écolos ont passé un cap. Terminé le temps des chamailleries, des divisions et des stratégies différentes à chaque coin de rue. Le parti, qui a longtemps eu du mal avec son rapport au pouvoir, ne recule plus devant les responsabilités. Il se prépare à diriger, assume ses ambitions. Autre point fort : les Verts revendiquent et déroulent un projet de société global.
La France insoumise : «Etre le groupe d’opposition le plus irréductible»
Le député LFI Adrien Quatennens, en juin 2018. Photo Martin Colombet
Objectifs. Pour les municipales, La France insoumise (LFI) va présenter des candidats «pas forcément connus», comme par exemple des militants associatifs ou des syndicalistes. «LFI, avec d'autres forces politiques, peut [aussi] soutenir des listes mais ce ne sera pas des accords électoraux à l'ancienne avec une répartition du nombre de places sur la liste», indique Manuel Bompard, député européen. Mais pour l'année à venir, le premier enjeu de LFI sera de «faire obstacle aux mauvais projets du gouvernement, par exemple en obtenant le nombre de signatures nécessaire pour le référendum contre la privatisation d'Aéroports de Paris». «Nous souhaitons continuer à être le groupe d'opposition le plus irréductible à la politique Macron et à ses projets de reculs sociaux, affirme Eric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis. Que ce soit sur la question des retraites ou sur les politiques d'austérité menées, qui mettent les urgentistes, les pompiers dans la rue.» LFI souhaite aussi être aux côtés des mobilisations sociales et écologiques.
Point faible. Une année cauchemar. La France insoumise a perdu son titre symbolique, celui de «premier opposant» de gauche à Emmanuel Macron. L'élection européenne lui a été fatale. Un petit score (6,3 %) et un tas de bisbilles en interne sur la ligne à tenir. Revenir à gauche ? Revendiquer le populisme ? Le chef de la bande, Jean-Luc Mélenchon - critiqué en interne - a pris un peu de distance. Il a laissé les clés de la maison au député du Nord Adrien Quatennens, qui aura la lourde tâche de remettre de l'ordre…
Point fort. La maison tangue, mais certaines choses ne bougent pas. La France insoumise a réussi à tisser un réseau local de militants, reste une force de propositions importantes sur le fond et sait se faire entendre avec des actions bruyantes et visibles sur le terrain. Au sujet de Jean-Luc Mélenchon, le chef des écolos, David Cormand, dit : «Il arrive toujours à se réinventer. Jean-Luc Mélenchon, c'est un peu comme Federer, ça va moins vite, mais ça reste du haut niveau.»
Parti socialiste : «Marier l’écologie et le social»
Le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, le 17 janvier. Photo Nicolas Messyasz. SIPA
Objectifs. Sept villes sur les 19 de plus de 150 000 habitants ont un maire PS, et il y a 200 maires PS dans les 900 villes de plus de 10 000 habitants, aime rappeler Pierre Jouvet, porte-parole du parti. Aujourd'hui, le PS est la deuxième force politique dans les mairies en France après les élections municipales de 2014.» Cinq ans, une éternité ? Perdre de grandes villes comme Paris, Strasbourg, Rennes, Nantes ou Lille serait une catastrophe. Alors que les municipales sont «l'objectif numéro 1 pour cette année», le PS espère même conquérir Nancy, actuellement dirigée par la droite, et «créer une force de rassemblement à gauche pour essayer de faire naître une alternative à Marseille», liste Jouvet. Le PS, qui n'a plus guère de leadership que localement, affirme aussi vouloir faire des listes communes, par exemple avec le PCF, EE-LV ou le Parti radical de gauche. «Nous souhaitons montrer que le mariage de l'écologie et du social, qui est l'avenir de la gauche et pas seulement du PS, a eu lieu à Rennes, Nantes ou Paris. Et le maire de La Rochelle veut en faire une ville "0 carbone"», précise Gabrielle Siry, porte-parole du Parti socialiste et spécialiste de finance verte.
Point faible. Le poing et la rose ne font plus rêver grand monde. La marque est atteinte. Touchée. Le premier secrétaire Olivier Faure tente de rallumer la flamme. Pas simple. Beaucoup de socialistes d'hier regardent ailleurs depuis le passage de François Hollande à l'Elysée. Pareil pour les alliés du passé : plusieurs dirigeants, à l'image des écolos, refusent de poser sur la photo avec des socialistes. Un parti «repoussoir», disent-ils. La pente est encore raide.
Point fort. A chaque fois que l'on s'adresse à un dirigeant socialiste, le mot «territoire» arrive tôt ou tard dans la discussion. Pour cause, le Parti socialiste a un vrai ancrage local. Des mairies, des régions, des départements. Les élus sortants, souvent plus jeunes que les éléphants, brandissent leur bilan, notamment dans les grandes villes (Paris, Rennes, Nantes, Clermont-Ferrand…) pour prouver aux électeurs que le parti a encore des ressources.