«Ce n'est plus de la politique, c'est de l'arnaque !» Ce vendredi matin au Café du commerce de Hesdin (Pas-de-Calais), juste en face de l'hôtel de ville, les clients retraités, habitués des jeux à gratter, ont la dent dure contre l'ex-maire. Stéphane Sieczkowski-Samier, le plus jeune édile de France, élu à 22 ans en 2014, vient d'être révoqué de ses fonctions en Conseil des ministres, décision actée par une publication au Journal officiel. Il n'est que le sixième à qui cela arrive depuis le début de la Ve République. Un client au verbe haut raconte un maire imbu de sa personne. «Il allait au collège en costume-cravate, c'est vous dire.» Jean-Pierre (1), profession libérale, confirme l'anecdote au comptoir. Sa fille était dans la même classe. «Il avait même un poster de Nicolas Sarkozy dans sa chambre ! Quand il a été élu [sous l'étiquette divers droite, ndlr], c'était vraiment le petit Sarkozy.»
Le retraité commence à égrener les délits supposés pour lesquels l'ancien maire est mis en examen : «En trois ans, il en a fait…» Première grosse affaire en avril 2016, l'attribution de la gestion des logements de la ville à l'agence immobilière tenue par sa mère, sans passer par le conseil municipal. «Le sous-préfet l'a sommé de présenter la délibération, il ne l'avait pas, il en a donné une fausse», raconte l'habitué. Ce qui s'appelle, dans le code pénal, complicité de faux et usage de faux en écriture publique. Il n'a pas encore été jugé sur ces faits. En septembre, Sieczkowski-Samier comparaîtra devant le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer pour un détournement de fonds publics estimé à 114 000 euros. L'ex-édile se serait offert un nouveau plancher pour sa villa avec le budget communal. Moins classique est l'achat de deux revolvers de troisième catégorie, qu'il a prétendu destiné à la police municipale. Mais celle-ci n'était pas au courant, d'après les déclarations du procureur, en octobre 2018. «On a un ami qui travaille pour une boîte de nuit au Touquet. Il aurait paradé avec son holster», rapportent des commerçants, croisés sur leur pas-de-porte.
Le dernier post sur Facebook de Stéphane Sieczkowski-Samier n'est pas passé inaperçu : une photo d'un catamaran sur une plage paradisiaque, localisée aux Bahamas. Au dessus, ce message : «Touché, mais pas coulé.» Une ironie, alors que les gendarmes le cherchent, pour lui remettre sa révocation en main propre. Son avocat l'affirme, il n'est pas aux Bahamas - ce serait une provocation.
Seul contre tous, Daniel, serveur, défend celui qu'il connaît depuis longtemps : «J'ai l'impression qu'on s'acharne sur lui. Moi aussi, quand j'étais jeune, j'ai vécu au-dessus de mes moyens. Au moindre fait et geste qui n'est pas droit, on en profite pour l'écraser.» Le président des parents d'élèves de l'école primaire publique n'est pas de cet avis. Il lâche, sans même être en colère : «Il a fait le beau devant tout le monde, mais il s'est foutu d'Hesdin et a pris ses habitants pour des poires.»
(1) Le prénom a été modifié.