Il aura donc fallu un tweet clash avec le président brésilien, Jair Bolsonaro, sur fond d’incendies géants en Amazonie pour qu’Emmanuel Macron se décide à refuser de soutenir l’accord de libre-échange Mercosur (entre l’UE et le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay). Un texte signé par la commission Juncker, malgré les mises en garde de nombreuses associations et syndicats agricoles, à la toute fin de son mandat, le 28 juin, et qu’il appartient désormais aux Parlements nationaux de ratifier ou pas.
En marge du G20 au Japon, fin juin, le président français avait pourtant salué un «bon accord»,concédant qu'il fallait rester «très vigilant» sur sa mise en œuvre. Si une «commission indépendante» d'évaluation a ensuite été mise en place, le ton était plutôt à une ratification du Mercosur par la majorité LREM à l'Assemblée. Au même moment dans une interview au Monde, Nicolas Hulot avait jugé ce traité «complètement antinomique avec nos ambitions affichées» en matière de climat.
«Filières»
«Cet accord, à ce stade, est bon compte tenu du fait que toutes les demandes que nous avions formulées ont été intégralement prises en compte par les négociateurs», avait quant à lui plastronné le chef de l'Etat. Ajoutant : «Trois critères que nous avions posés sont reflétés par le texte», à commencer par «le respect explicite de l'accord de Paris [sur le climat]», notamment par le Brésil, une première «à ce niveau dans un texte commercial». Mais si certaines inquiétudes sur une possible sortie de Brasília de l'accord international ont été, depuis, écartées, reste au pays à respecter ses engagements. Et ça semble mal parti, Bolsonaro ayant dérégulé massivement pour ouvrir l'Amazonie aux exploitations industrielles. «Le deuxième critère est le respect de nos normes environnementales et sanitaires», et le troisième «la protection de nos filières sensibles, dans le cadre des quotas […] auxquels nous avions fixé des limites, en particulier pour le bœuf et le sucre», avait précisé le chef de l'Etat français.
Mais le 10 juillet, alors que le débat sur le Ceta (le traité de libre-échange avec le Canada) commençait à monter en pression, changement de ton. La France a fait savoir qu'elle conservait plusieurs «interrogations», en particulier à propos du respect de l'accord de Paris, des normes sanitaires et des filières «sensibles» (bœuf, sucre, volaille). Et le 24 juillet, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, dès le départ moins allant, a déclaré que le Mercosur n'était «pas ratifiable en l'état». Les agriculteurs estiment en effet être les principales victimes de ce traité, qui prévoit l'augmentation des quotas annuels de viande, à 99 000 tonnes pour le bœuf et 100 000 tonnes pour la volaille. Et là où leurs intérêts convergent avec ceux des défenseurs de l'environnement, c'est que voir bondir les importations de soja et de viande bovine dans l'UE accélérerait la destruction des forêts de la région, en hausse de 54 % sur un an. Or la captation du carbone et la régulation du climat par les forêts tropicales sont vitales pour limiter le réchauffement mondial.
Ceta
Pour Macron, repousser le Mercosur (dont la présentation au Parlement n’était pas pour demain) peut aussi être lu comme un geste d’apaisement alors que la ratification du Ceta, fin juillet, a chauffé les agriculteurs à blanc tout en faisant enrager les écologistes. Le député (ex-LREM) Matthieu Orphelin, proche de Hulot, s’est félicité du «non» de Macron. Mais il ajoute : «Il faut maintenant que les autres pays européens, en particulier les membres du G7, rejoignent la position de la France et de l’Irlande [qui vient aussi d’annoncer son opposition, ndlr] et qu’ils s’engagent à ce que tous les prochains accords commerciaux se mettent au service de la bataille pour le climat et la biodiversité.»