Le feu face aux rêveries de la forêt. Alors que nous préparions ce numéro spécial depuis des mois, le souffle de braises nous a rattrapés. La forêt brûle en Amazonie, elle a brûlé en Sibérie. Et Poutine et Bolsonaro l'ont regardée brûler. Les ONG ont alerté, les images satellites nous ont atterrés. De vieux arbres sont aussi partis en fumée aux Canaries et près de la montagne d'Alaric, dans l'Aude, rendant notre air un peu plus irrespirable. Cela nous a renforcés dans l'idée qu'après le Libé des océans consacré à l'actualité du poumon bleu de la planète, ce Libé des forêts et ses 28 pages de balades dans les arbres - imprimées sur cinq tonnes de papier recyclé ou durable - était une nouvelle aventure journalistique à défricher.
Déforestation, malforestation, pollutions aux pesticides : face à ces constats inquiétants que nos reportages en Equateur mais aussi aux côtés des agents de l’ONF en Corse et dans la Nièvre documentent, la défense et la connaissance de la forêt et de ses bienfaits progresse, sous l’action de citoyen(e)s engagé(e)s et de scientifiques. Au fil des pages et sur notre site, vous les rencontrerez. Il y a les replanteurs émérites comme Norma Llewit, qui dompte les nuages aux Philippines, ou Yacouba Sawadogo, qui a reverdi le Sahel. Pascale Laussel, qui organise des bains de forêt magiques dans la Drôme, Nancy Balivet, qui a ouvert la première maternelle dans les bois à Marsac… Poésie des vergers, sexe et crimes à l’ombre des feuillus : nous avons tenté de pénétrer au plus profond de la forêt, là ou le ça s’exprime. Mais les arbres se croquent aussi, leur écorce la plus tendre étant cuisinée par des chefs étoilés. Ils se scient lors de championnat de bûcherons virils mais non dénués d’humour pour leurs victimes. Les arbres se dressent dans les musées et même cet automne à Klagenfurt dans un stade de foot. Pourquoi tant d’amour ? Alors que l’être urbain a la tête en permanence connectée à la web-canopée mondiale, l’arbre représente aussi un besoin de s’enraciner. Deux mondes qui ne sont pas étrangers, à l’image de ces souches de kauris néozélandais qui s’entraident, vient-on d’apprendre. C’est le succès du mot-clé #BoycottBrazil, qui a en partie contraint Bolsonaro à envoyer l’armée en pompier. Preuve que nos destins sont liés. Alors, aux arbres citoyens.
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