La disruption, ça commence à bien faire ! A la direction de LREM, l’inquiétude ne cesse de grandir face à l’obstination de Cédric Villani. Ecarté de la course à la mairie de Paris, le député devrait confirmer la semaine prochaine qu’il reste candidat. Faisant preuve d’un sens politique que bien peu lui prêtaient, il soulignera à cette occasion la cohérence de sa démarche : en s’affranchissant des vieux clivages et des logiques partisanes, il ne fait que prolonger à l’échelle municipale ce que Macron a inauguré au niveau national.
D'un point de vue réglementaire, l'affaire avait pourtant été définitivement réglée le 10 juillet, quand la commission nationale d'investiture (CNI) du parti avait estimé, à l'unanimité, que le bon candidat était Benjamin Griveaux, ex-porte-parole du gouvernement. Mais jugeant «viciée» cette procédure, Villani avait aussitôt fait savoir qu'il se donnait deux mois de réflexion avant de faire connaître ses intentions.
Popularité
Selon son entourage, il le fera mercredi soir, en présence de ses soutiens issus notamment de la société civile. Auparavant, il aura réuni, samedi, les militants engagés dans sa précampagne au printemps pour leur expliquer sa décision. Même s’ils s’interdisent de le confirmer officiellement, les lieutenants de Villani assurent qu’il n’y a plus de doute : il sera candidat.
Conforté par les sondages de popularité qui le placent très largement au-dessus du lot, le mathématicien a la conviction que les électeurs ne veulent pas plus se satisfaire d'un duel Hidalgo-Griveaux en mars 2020 que d'un match Hollande-Sarkozy en mai 2017. Il est surtout certain que Griveaux, candidat autoproclamé depuis plus de deux ans, est condamné à la défaite parce qu'il serait, par nature, incapable de rassembler. En juillet, la publication par le Point de propos injurieux tenus en privé contre ses concurrents - des «abrutis» dans le meilleur des cas - n'a fait que renforcer son image clivante. Ses soutiens ont beau protester, à l'image de la députée LREM Olivia Grégoire, que l'ex-porte-parole serait, en vrai, délicieux et très à l'écoute, les villanistes sont convaincus que le cas est désespéré : le candidat Griveaux ne peut pas être l'homme du rassemblement face à Hidalgo.
Convaincu que la victoire passe par une alliance avec les écologistes, Villani a multiplié ces dernières semaines les rapprochements avec les responsables politiques susceptibles d’adhérer à son projet «écoprogressiste». En contact régulier avec le député Matthieu Orphelin, ex-marcheur proche de Nicolas Hulot, le mathématicien a échangé avec Jean-Louis Borloo. Il a vu tous les dirigeants des Verts, de Yannick Jadot à David Belliard, le candidat du parti à Paris. Jeudi matin, il s’est longuement entretenu avec l’ex-communicant de Hollande, Gaspard Gantzer, et sa partenaire écolo, Isabelle Saporta, tous deux candidats déclarés. Si aucun de ces interlocuteurs n’envisage de se ranger derrière Villani, aucun n’exclut de faire alliance avec lui au second tour.
«Séisme»
Pour faire taire ceux qui le disent incapables de rassembler, Griveaux se prévaut des soutiens, opportunément annoncés cette semaine, de Delphine Bürkli, maire du IXe arrondissement (ex-LR), et de Mounir Mahjoubi, député LREM dans le XIXe. Après avoir activement soutenu Villani jusqu'en juillet, ce dernier a justifié dans le Parisien son changement de pied : «Quand vous faites partie d'une famille, vous devez prendre vos responsabilités.» Une décision très contestée par nombre de marcheurs, toujours fidèles à Villani. D'ailleurs, Mahjoubi s'est bien gardé de couper les ponts avec ce dernier : «Quels que soient ses choix à venir, je garde un respect sans limite pour lui et je comprends les combats qu'il mène», a-t-il tenu à préciser.
Dans le camp Griveaux, on s'inquiète : «J'ai eu des échanges avec Cédric Villani où je lui propose de copiloter ma campagne. Il ne m'a pas répondu», a affirmé le candidat LREM jeudi soir sur BFM TV. Et on fait mine de croire que le brillant lauréat de la médaille Fields finira par reculer. N'a-t-il pas promis d'être «loyal» à son parti en acceptant les décisions de la CNI ? L'intéressé réplique que c'est justement au nom de sa loyauté envers «les valeurs» qui fondent le grand basculement macroniste qu'il veut proposer sa candidature. «Il faut voir les municipales comme une réplique du puissant séisme que fut la présidentielle de 2017», explique un de ses lieutenants, selon lequel les partis sont encore condamnés à rester hors-jeu. Personne ne semble croire sérieusement que la direction de LREM ira jusqu'à sanctionner la candidature dissidente par une exclusion du député, comme l'imposent les statuts du mouvement.
Bien conscient que ce match Griveaux-Villani trouble et fracture la base militante, Macron pourrait être tenté de laisser prospérer quelques semaines encore deux candidatures - l’une réglementaire, l’autre disruptive. Et laisser au temps, mais surtout aux sondages, le soin de trancher.