François Bayrou ne le dira pas publiquement. Mais le maire de Pau doit l'avoir un peu mauvaise. La décision d'Emmanuel Macron de proposer la nomination de Sylvie Goulard comme commissaire européenne ressemble fort à un mauvais coup fait au président du Modem et principal allié du président de la République. En 2017, Sylvie Goulard avait dû quitter son poste de ministre des Armées un mois seulement après son entrée au gouvernement d'Edouard Philippe, suite à l'ouverture d'une enquête préliminaire pour abus de biens sociaux dans l'affaire dite des assistants parlementaires européens du Modem. Dans la foulée, François Bayrou, lui aussi fraîchement nommé ministre de la Justice, et Marielle de Sarnez, numéro deux du Modem et ministre chargée des Affaires européennes, avaient été contraints de quitter leurs postes à leur tour.
Sylvie Goulard, 54 ans, a «une expérience européenne reconnue» et «a la capacité de jouer un rôle majeur au sein de la Commission» présidée par l'Allemande Ursula Von Der Leyen à partir du 1er novembre, a souligné l'Elysée. Mais c'est peu dire que la décision du chef de l'Etat de repêcher Sylvie Goulard en lui proposant de succéder à Pierre Moscovici à Bruxelles passe mal chez ses petits camarades du Modem. Car l'enquête judiciaire dans cette affaire dite des assistants parlementaires est toujours en cours.
«Deux poids deux mesures»
Officiellement, le Modem et ses parlementaires ne font aucun commentaire. Mais sous le couvert du off, certains ne se privent pas de dire qu'il s'agit là «d'une très mauvaise manière» faite à François Bayrou qui, à plusieurs reprises, avait mis en garde le chef de l'Etat contre la nomination de Sylvie Goulard. «Ou alors on considère que cette histoire d'assistants parlementaires n'a aucune importance et que donc, à la faveur d'un prochain remaniement, François Bayrou et Marielle de Sarnez pourraient revenir au gouvernement. Ou alors c'est vraiment deux poids deux mesures», constate un député Modem.
Plus embêtant encore que cette histoire d'assistants parlementaires, la nomination de Sylvie Goulard pose également question du fait que, députée européenne, elle était rétribuée par un think tank américain proche du lobby militaro-industriel pour un rôle qui se limitait à être un agent d'influence. Cet épisode ne va pas arranger, en tout cas, les relations entre le Béarnais et Emmanuel Macron, «beaucoup moins idylliques que ce que François Bayrou se plaît à répéter», tranche un autre député Modem. Manière de dire que tout occupé qu'il est à siphonner l'électorat de droite LR, le parti présidentiel aura encore besoin des centristes du Modem comme force d'appoint lors des prochaines municipales et qu'il ferait bien de ménager un peu son «meilleur allié».