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Mort de Steve Caniço : le «bornage» qui change tout

Affaire Steve Caniçodossier
L’enquête judiciaire a démontré que le portable du jeune homme émettait encore un signal lorsque la police est intervenue à Nantes pour disperser les fêtards, le soir de la Fête de la musique.
Nantes, samedi 3 août, rassemblement pour Steve Caniço. (Cyril Zannettacci. Vu pour Libération)
publié le 11 septembre 2019 à 18h59

La responsabilité policière se précise dans l'enquête sur la mort de Steve Caniço, cet animateur périscolaire de 24 ans disparu le soir de la Fête de la musique à Nantes. Comme vient de le révéler le Canard enchaîné, le portable du jeune homme a émis un dernier signal à 4h33, soit treize minutes après le début de l'intervention des forces de l'ordre visant à disperser les fêtards massés quai Wilson.

Ce nouvel élément issu de la téléphonie est d'autant plus crucial qu'il vient formellement démentir la version défendue jusqu'ici par la hiérarchie policière. Dans son rapport de synthèse rendu public le 30 juillet, l'IGPN indiquait en effet que le téléphone de Steve Caniço avait déclenché «un dernier relais téléphonique» à 3h16 cette nuit-là, soit plus d'une heure avant la charge policière, un laps de temps censé disculper les forces de l'ordre. En dévoilant le document, Edouard Philippe s'était même félicité que ce rapport n'établisse «pas de lien entre l'intervention de la police et la disparition de Steve», dont le corps sans vie a été retrouvé dans la Loire après cinq semaines de recherches.

Plus prudente, la police des polices venait pourtant de préciser dans ses conclusions que cette absence de causalité n'était valable qu'«en l'état» et «sans information délivrée par l'autorité judiciaire». De fait, c'est bien l'enquête judiciaire ouverte à Nantes pour «homicide involontaire» qui est venue contredire l'enquête administrative. Selon le Canard, la découverte de ce nouveau bornage embarrassant aurait d'ailleurs convaincu les deux juges d'instruction nantais de demander le dépaysement du dossier, qui a migré depuis à Rennes pour une «bonne administration de la justice».

Demande de bornage rétrospectif

Difficile cependant de comprendre comment un indice aussi déterminant a pu ainsi échapper à l'IGPN. Sommée de se justifier, la Direction générale de la police nationale (DGPN) a indiqué à l'AFP que les policiers de la direction départementale de la sécurité publique de Loire-Atlantique, saisis de la première enquête sur la disparition de Steve Caniço, ont commencé par faire une réquisition des «fadettes», c'est-à-dire des relevés des appels et SMS passés par le téléphone du jeune homme. Un «télégramme» aurait ensuite été rédigé sur le fameux SMS de 3h16, puis versé à l'enquête administrative. Dans ce cadre, l'IGPN n'avait pas la possibilité de pousser plus loin ses investigations, notamment en adressant une nouvelle réquisition à l'opérateur téléphonique, comme cela est possible dans le cadre d'une enquête judiciaire.

Mais alors pourquoi les policiers nantais se sont-ils d'abord contentés des fadettes, par nature moins précises ? Sans doute, car la demande de bornage rétrospectif («historique des signalisations») ne fait pas partie des réquisitions «standards» proposées par les opérateurs téléphoniques aux services d'enquête en vertu de leurs obligations légales. Mais cela n'explique pas pourquoi ce même bornage a mis plus d'un mois à être versé au dossier judiciaire.