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Libération
Start-up nation

Face à la grève, la RATP sponsorise la débrouille

VTC, trottinettes, vélos électriques... Les «nouvelles mobilités» devraient profiter à fond de la grève des salariés de la RATP ce vendredi contre la réforme des retraites. Et pour certaines, c'est même la régie publique qui fait la retape.
publié le 12 septembre 2019 à 18h04

Pendant la grève, la «start-up nation» continue. Elle devrait même profiter vendredi d'un bel effet d'aubaine. Privés de nombreux métros, RER, trams et bus, les usagers obligés de se rendre tout de même sur leur lieu de travail vont devoir trouver des solutions de repli. Pour certains, ce sera l'occasion de redécouvrir le plaisir de la marche, ou bien de partager une voiture ou un scooter avec des collègues, voire avec des inconnus – la grève tisse des liens.

D'autres, en revanche, passeront du statut d'usager à celui de «bon client potentiel» aux yeux des entreprises qui se partagent le marché de ce que l'on appelle les «nouvelles mobilités». La gomme des roues de trottinettes électriques, notamment, devrait être mise à rude épreuve : la société Bird offrira les frais de déverrouillage à tous ses utilisateurs, tandis que la start-up française Dott proposera un crédit de 3,80 euros et que VOI fera cadeau du déverrouillage toute la journée, en offrant au passage 1 euro pour tout stationnement dans les zones recommandées par l'application – histoire de se simplifier le redéploiement des engins au fil de la journée.

Plus étonnant : pour une certaine part, la RATP elle-même va organiser la débrouille – mais une débrouille sponsorisée. En guise d'alternatives, la régie propose ainsi sur son site de se tourner vers des «start-up» ou «plateformes» partenaires : Cityscoot, service de scooters électriques en libre accès, Klaxit pour le «covoiturage domicile-travail», Zenpark, société «spécialisée dans le parking intelligent» ou encore les VTC Kapten et le service de vélos et trottinettes électriques Jump. Le tout en distribuant des codes promo pour avoir des réductions jusqu'à -50%. Quitte à faire des déçus : il n'y en avait par exemple que 1 000 pour bénéficier de -20% sur les courses Kapten. Ce jeudi matin, ils étaient déjà tous écoulés.

«Ce n’est pas quelques trajets en trottinettes qui vont casser notre grève»

Est-ce vraiment le rôle de la RATP de faire la promotion de sociétés privées, certaines parmi elles étant vivement critiquées pour leurs politiques sociales ? La régie répond qu'elle est déjà actionnaire de Cityscoot ou Klaxit, dans lesquels elle a investi via sa filiale RATP Capital Innovation. Reste qu'un certain nombre d'usagers s'étonnent de la démarche sur les réseaux sociaux, accusant l'entreprise et ses partenaires de vouloir «casser la grève». Mais Thierry Babec, secrétaire général de l'Unsa RATP, en tempère les effets potentiels : «Ce n'est pas quelques trajets en trottinettes qui vont casser notre grève. Et puis, entre Melun ou Evry et Paris, la batterie de la trottinette va vite se vider !» Pour lui, «c'est anecdotique».

Uber, la maison mère de Jump, qui a déployé 4 000 vélos et 500 trottinettes dans Paris depuis cinq mois, réfute en tout cas toute volonté de briser le mouvement : «La volonté n'est clairement pas commerciale, la journée de vendredi n'est pas une campagne marketing» pour Jump, assure sa cheffe de la communication auprès de Libération. A l'entendre, la promo (qui peut aller jusqu'à offrir 6,50 euros) serait même une fleur faite à l'environnement : «Cela peut permettre de désengorger le trafic, c'est une façon d'encourager un mode de déplacement plus vertueux écologiquement.» Pourtant, de l'autre côté, Uber a aussi relayé l'info sur le mouvement de grève massif auprès de ses chauffeurs de voiture, ce qui devrait les inciter à prendre plus la route. Et là, l'addition, basée sur l'offre et la demande, risque d'être plus salée.

A la RATP, la démarche pourrait dégrader les relations de l'entreprise avec ses agents, avance Thierry Babec : «Quand ils demandent une amélioration des salaires, on répond aux salariés qu'il n'y a pas d'argent. Alors, même si ça n'est pas les mêmes niveaux de budget, ça fait jaser de voir que finalement, la RATP a de l'argent pour financer ça.»