En 2014, Robert Lion, âgé de 80 ans et à la retraite depuis des lustres, rameutait les médias pour les alerter sur l’état d’abandon de la Grande Arche de la Défense. Lui qui avait supervisé les grands travaux de François Mitterrand et particulièrement défendu ce bâtiment que l’alternance de 1985 avait failli supprimer, trouvait encore l’énergie nécessaire pour secouer les hauts fonctionnaires du ministère de l’Equipement, propriétaire et occupant d’une partie de l’édifice. Les travaux furent faits. La voix de Robert Lion portait encore. Elle vient de s’éteindre.
Premier cercle mitterrandiste
Né en 1934 à Paris, fils d'un résistant, énarque et inspecteur de Finances, Robert Lion fut parmi les premiers artisans de l'arrivée de la gauche au pouvoir en 1981. Directeur de cabinet de Pierre Mauroy, il avait raconté à Libération les premiers jours de cette déflagration: «Dès l'après-midi, nous recevons le gouverneur de la Banque de France, Renaud de La Genière. […] Il a l'air très pincé. […] La Genière parle d'une "situation de crise extrême". Selon lui, on ne stoppera la spéculation qu'en dévaluant. Pour nous il n'en est pas question. C'est signer une défaite dès le premier jour du gouvernement. Pierre Mauroy, qui a l'accord de Mitterrand, choisit de rétablir le contrôle des changes.»
Mais Matignon n’est qu’une étape. Dès 1982, Robert Lion devient président de la Caisse des dépôts et consignations, institution plus que centenaire et passablement poussiéreuse. Pendant les dix ans qui vont suivre, Lion va en faire un groupe moderne, avec des métiers bien différenciés depuis le financement du logement social et du développement local jusqu’à des activités d’investissement sur le marché concurrentiel.
En 1983, cet homme à qui la gauche avait fait appel parce qu'il connaissait «la machine de l'Etat, alors que pour les socialistes, elle était toute nouvelle», intègre le premier cercle mitterrandiste sur un dossier clé : les grands travaux. «François Mitterrand avait constitué un petit groupe dont Robert Lion, Jack Lang, Paul Guimard, Roger Quilliot et par la suite Paul Quilès pour lancer ces chantiers», se souvient Jean-Louis Subileau, urbaniste, qui fut la cheville ouvrière de l'équipe.
Aventure mouvementée
Parmi ces grands chantiers, celui de la «Tête Défense» destiné à trouver l’édifice qui couronnerait la perspective historique du Louvre à Saint-Germain, n’était pas le plus simple. Dès 1982, Robert Lion organise un concours international qui débouche sur le choix de l’Arche, dessinée par un architecte danois Johan Otto Von Spreckelsen, que personne ne connaissait.
C'est peu dire que la construction de la Grande Arche fut une aventure mouvementée. Robert Lion fut l'un de ceux qui assurèrent sa bonne fin. En 2014, l'état d'abandon dans lequel se trouvait l'édifice, entouré de filets pour éviter la chute des marbres de la façade, le déchirait. Politiquement, il fut socialiste, puis écologiste en tête de liste pour Paris lors des régionales de 2010. Il avait été le collaborateur d'Edgard Pisani et de Paul Delouvrier. Grand personnage à l'allure élégante, il fut l'une des figures brillantes des premières années de la gauche. «Le 10 mai [1981], avait-il dit à Libération, je crois bien que j'ai pleuré.»