Depuis plus de deux semaines, les journalistes de France-Soir sont en grève. Dans un communiqué, le 30 août, ils dénonçaient «une forte dégradation [de leurs] conditions de travail et du dialogue social» au sein de leur entreprise. Leur principale revendication, depuis le début du mouvement : l'application de la convention collective des journalistes, dont ils ne bénéficient pas, et des droits qui en découlent, comme le versement d'un treizième mois. Dès la fin août, ils réclamaient aussi «des recrutements», «l'égalité salariale» entre les hommes et les femmes et «l'arrêt des pressions sur les équipes», citant «des menaces récurrentes de licenciements ou poursuites pour faute imaginaire».
La réponse du patron de France-Soir, Xavier Azalbert, n'a pas été tendre. Selon l'un des membres de la rédaction, qui ne souhaite pas être cité invoquant une ambiance délétère, les salaires d'août ont d'abord été retenus puis payés à moitié le 10 septembre. Les dernières réunions, lors desquelles Xavier Azalbert aurait menacé de fermer l'entreprise si la grève continuait, n'ont rien donné. «Pour Xavier Azalbert, nous ne sommes pas des journalistes, mais des rédacteurs digitaux, poursuit la même source. Il y a un enjeu derrière : il veut nous faire écrire des articles publicitaires, qui devaient au départ l'être par des rédacteurs en communication.»
Mis en liquidation judiciaire en 2012 après des années d'errance, l'ex-quotidien à très grand tirage France-Soir a été repris en 2016 par Xavier Azalbert, un entrepreneur ayant fait fortune dans les technologies financières. Il a transformé cette marque emblématique de la presse française en site d'information en continu, fonctionnant sept jours sur sept, de 7 heures à 21 heures. La rédaction comptait six journalistes jusqu'à cet été, lorsque deux d'entre eux ont démissionné. Des départs non remplacés.
Absence totale de dialogue
«Ce n'est plus possible de travailler ainsi. Même avec toute la bonne volonté du monde… On s'est mis en grève parce qu'on n'avait plus le choix», indique notre source. Celle-ci fait remarquer qu'une augmentation de capital de 3,3 millions d'euros a été souscrite en décembre 2018 pour, indique le site internet du propriétaire, «renforcer les capitaux propres de la société, la désendetter, et mettre en œuvre le plan d'affaires visant à développer le média numérique France-Soir et les sources de revenus complémentaires attendues au travers du lancement d'un produit nouveau».
Jeudi, dans un communiqué, les journalistes déploraient de nouveau «les méthodes de la direction» : «Alors que toute la rédaction est en grève, des articles sont encore publiés. Cela alors même que l'accès des grévistes au back-office du site, permettant notamment d'identifier les auteurs d'articles, a été coupé.» Et d'ajouter que «l'absence de réponse, voire le refus de répondre, l'absence de contre-proposition aux revendications ajoutés à ces méthodes ne sauraient constituer un dialogue social normal que recherchent les salariés grévistes depuis le début. Il ne peut qu'interroger sur la volonté de la direction de trouver une sortie à cette crise.»
Sollicité par Libération, Xavier Azalbert n'a pas souhaité répondre à nos questions.