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Libération
Témoignage

Caroline (1), 57 ans, au chômage depuis trois ans : «Nous sommes dans un étau»

publié le 18 septembre 2019 à 19h31

«J’ai travaillé dans l’hôtellerie pendant trente-deux ans, plus de vingt dans la même entreprise. J’avais un poste à responsabilités dans une structure importante, je ne comptais pas mes heures. Mais quand mon compagnon est tombé malade, j’ai opté pour une structure plus petite car je ne me reconnaissais plus dans ce grand groupe, c’était l’usine. Ça a duré trois ans, et à son décès, je me suis retrouvée isolée. La journée au boulot, le soir, le week-end, j’étais seule. Ça s’est soldé par un épuisement moral et physique, un burn-out. J’ai eu un congé maladie, puis je n’ai pas été capable de réintégrer le travail, j’ai demandé à rompre mon contrat, et je me suis retrouvée au chômage à 50 ans passés.

«J’ai encore du mal à réaliser, car j’ai eu une vie professionnelle bien remplie. C’est dur de se retrouver chez soi, seule face à son ordinateur. Au début, ça me donnait des angoisses immenses, je me disais que je n’allais jamais y arriver. C’était un choc. Il y a eu une période très compliquée, j’en ai perdu le sommeil. Mes proches ont eu des paroles brutales sur ma situation qui m’ont blessée, ça n’aide pas. On a vraiment l’impression que le monde continue de tourner et que nous, on est descendu du train. Mon âge a tout de suite posé problème quand j’ai postulé pour différents emplois proches de ce que je faisais avant, je n’ai eu aucune réponse. En même temps, j’imagine les recruteurs qui reçoivent un CV qui débute en 1981, quand certains d’entre eux n’étaient même pas nés… Il est possible que ça freine un petit peu mes démarches. On sait bien que dans notre société, il ne faut pas être vieux. Avant, pour moi, c’était le travail avant tout, j’aurais tout lâché pour mon boulot. Et puis je me suis dit qu’il fallait réfléchir à une autre façon d’aider les autres dans le travail.

«Depuis peu, je travaille de temps en temps pour une association, j’accompagne des enfants à la cantine. Avec ma rémunération, je vis presque dans la décroissance. Quand on est senior au chômage, on est pris dans un étau : d’un côté, le monde du travail, qui n’a pas bien compris ce qu’un senior pouvait apporter, et de l’autre côté, on nous dit qu’il faut travailler. Je me dis qu’il serait bien d’avoir une réflexion sur la vie des seniors actifs. Je suis toujours active et je peux faire quelque chose qui a du sens pour notre société.»

Recueilli par G.K.

(1) Le prénom a été modifié