Le ton a baissé, l'ambiance est plus douce vendredi matin, au second et dernier jour du procès de La France insoumise pour «actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire, rébellion et provocation» près d'un an après les incidents survenus lors de la perquisition au siège de son mouvement. Jean-Luc Mélenchon échange tranquillement avec un avocat de la partie civile. Les policiers saluent gentiment quelques têtes des insoumis. La presse est moins nombreuse. Le spectacle, c'était la veille. Un dirigeant de LFI se dirige vers nous : «Franchement, le duel d'hier entre Dupond-Moretti et Mélenchon c'était historique, non ?» L'attachée de presse du mouvement, Muriel Rozenfeld, est plus détendue. Jeudi, en fin d'après-midi, elle était stressée et elle a surpris la salle du tribunal correctionnel de Bobigny en racontant qu'avant de rejoindre La France insoumise, elle travaillait avec Christophe Castaner. Elle a changé de crémerie après la présidentielle.
Le second jour, donc. La matinée débute par les plaidoiries des parties civiles. Les avocats se succèdent et la musique ne change pas. Jean-Luc Mélenchon est cité à l'envi. Ses copains, beaucoup moins. Les défenseurs de la police se réfèrent tous aux images de la perquisition. Certains expliquent que tout «était calme» avant l'arrivée du chef des insoumis. Et que celui qui «crie» n'a pas forcément raison. «Le plus grand préjudice pour mes clients, c'est d'être taxés de politiques, c'est profondément injuste, ce ne sont pas des fonctionnaires du gouvernement mais de la République», tance Me François Saint-Pierre. Le chef de file de LFI observe. Et note des mots sur son carnet où on peut lire sur la couverture «Feuilles de route».
«Vos explications sont pathétiques»
L'avocat-star Eric Dupond-Moretti prend la parole en dernier. Il prévient : «Je vais être bref.» Souvent, il regarde Jean-Luc Mélenchon entre les phrases. Lui aussi évoque les images, des «preuves accablantes», dit-il. Eric Dupond-Moretti, qui a défendu l'ancien ministre Jérôme Cahuzac et le couple Balkany, parle de l'exemplarité des élus. Il guette les insoumis sur le banc et lâche : «Vos explications sont pathétiques.» Puis, en regardant Jean-Luc Mélenchon : «Mais vous ne voulez pas et vous ne pouvez pas reconnaître les faits, vous niez l'évidence car vous avez vos électeurs, et il s'agit de pallier la chute de votre électorat.» La politique se mêle à la justice. La douceur de la matinée s'envole.
Jean-Luc Mélenchon fait des petits gestes de la tête, des mains. Il ne peut rien dire alors que ça le démange. «Vous n'avez aucun courage M. Mélenchon, parce que lorsqu'on est un révolutionnaire, on pratique une défense de rupture et on ne parle pas complot», lui jette à la figure Dupond-Moretti. Les phrases lourdes se succèdent. Il se moque : «Vous êtes le Lula français, tiens donc ! On a juste des politiques qui ont traité des policiers comme de la merde ! De grâce, arrêtez votre délire paranoïaque !»
Soudain, l'avocat fait des câlins à l'accusé. Il revient sur la mort du gendarme Beltrame, lors d'une attaque terroriste à Trèbes, près de Carcassonne. Quelques heures après le drame, le patron deLFI, comme souvent dans les moments forts de la République, avait prononcé un discours de haute volée à l'Assemblée nationale et s'était attiré des applaudissements des élus de toutes les couleurs politiques. Son adversaire lui donne un point. «Votre discours, je l'ai réécouté récemment, j'aurais rêvé d'écrire ce texte. Il est super M. Mélenchon. Voyez-vous, je n'en demandais pas tant pour mes clients. Simplement un mot d'excuse. […] Mais dire ça, vous en êtes incapable car c'est vous la victime dans ce procès politique, hein !», ironise-t-il avant de conclure un peu facilement, en évoquant la justice au Venezuela. Sifflets dans la salle. Le juge suspend l'audience. Les avocats des parties civiles ont demandé des peines allant de 1 euro à 10 000 euros pour préjudices moral, dommages et intérêts.
Réquisitions
La matinée s’achève avec les procureurs. Juliette Gest, première vice-procureure, décortique la matinée de perquisition, scène par scène. On comprend rapidement que les procureurs demanderont au tribunal des condamnations. Aux dirigeants de LFI, ils ne cherchent aucune excuse. Aucun des argument de ces derniers n’a fait mouche. Le procureur Philippe Bourbion laisse des blancs entre chacune de ses phrases, voire de ses mots. Les six prévenus sur le banc écoutent attentivement. En fin de plaidoirie, les procureurs demandent les condamnations suivantes : 2 000 euros d’amende pour l’attachée de presse du mouvement, Muriel Rozenfeld ; 8 000 euros pour les députés Alexis Corbière, Bastien Lachaud et Manuel Bompard ; 10 000 euros pour le conseiller d’Etat Bernard Pignerol. Jean-Luc Mélenchon écope d’une réquisition de prison : trois mois avec sursis et 8 000 euros d’amende. Vendredi après-midi, la parole sera à la défense.