Top chrono. Le projet de loi bioéthique débarque ce mardi à l’Assemblée nationale. Au programme, 32 articles dont une star : l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux lesbiennes et aux femmes seules, qui prend toute la lumière, éclipsant d’autres avancées, comme la facilitation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires qui pose, il est vrai, des questions éthiques moins lourdes que celles sur l’embryon lui-même. Après un examen en commission sous la houlette d’Agnès Firmin-Le Bodo (cofondatrice du parti Agir), le texte a fait l’objet d’un petit toilettage. En voici les grands points avant un déluge de nouveaux amendements - quelque 2 500 - portés en tête par le parti Les Républicains.
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Ce qui a changé
Comment établir la filiation entre les couples lesbiens et leurs enfants nés d'un don de sperme ? Le dispositif choisi par le gouvernement a été modifié in extremis par la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, avant son arrivée en commission, comme le demandaient plusieurs associations (dont l'Association des parents gays et lesbiens) qui le trouvaient discriminatoire. Le texte initial prévoyait qu'avant de faire une PMA avec don de sperme, les couples de lesbiennes devaient signer une «déclaration commune anticipée» devant notaire à transmettre à l'officier d'état civil après la naissance pour établir que les deux femmes sont les mères. Dans la nouvelle mouture, cette «déclaration commune anticipée» est remplacée par la «reconnaissance anticipée» de l'enfant à naître, toujours devant notaire (et non en mairie, où doivent se rendre les futurs pères non mariés). En outre, il n'y aura aucune mention de la PMA dans l'acte de naissance, comme c'est le cas pour les couples hétérosexuels recourant à cette technique. Symboliquement, la filiation de ces enfants fera partie du même chapitre du code civil que celle des enfants d'hétérosexuels nés par PMA, contrairement au projet initial.
Ce qui a été précisé
L'ouverture à toutes de la PMA, promesse du candidat Macron, reste l'article phare du texte. Mais parmi les amendements notables adoptés en commission, les députés ont supprimé la mention d'une évaluation «psychologique» pour pouvoir y accéder. En outre, ils ont pris soin de stipuler que cet accès ne peut faire l'objet d'une discrimination en fonction «du statut matrimonial ou de l'orientation sexuelle ».
Et si l'arrivée de nouvelles prétendantes à une insémination avec donneur (estimées à 2 000 chaque année par le ministère de la Santé) suscitait une pénurie de sperme ? L'éventualité a été anticipée : un amendement adopté contre l'avis du gouvernement prévoit de permettre à des établissements de santé privés, «lorsqu'ils y ont été autorisés», de conserver des gamètes en vue d'une PMA - pour l'heure, seuls les établissements publics tels les Centres d'étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos) en ont le droit.
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Autre point sensible, l'accès aux origines : depuis plusieurs années, de plus en plus d'adultes nés grâce à un don de sperme (ou d'ovocyte) veulent savoir qui est l'auteur de ce don. Le texte le prévoit. A sa majorité, et s'il le souhaite, un enfant ainsi né aura accès à des «données non identifiantes» (âge, caractéristiques physiques, etc.) sur son donneur et à son identité (sans doute nom, prénom et date de naissance). Conséquence : une fois la loi en vigueur, pour donner son sperme, un homme devra obligatoirement accepter que son identité puisse un jour être révélée à sa descendance. Pour autant, le don lui-même restera anonyme (même s'il est fragilisé par le développement des tests ADN sur Internet, illégaux en France mais facilement accessibles) : on ne pourra toujours pas choisir son donneur, et un donneur ne pourra pas choisir à qui il donne. Sur tous ces points, le texte est resté en l'état. Mais il a été détaillé. Pour les dons antérieurs à cette possibilité d'avoir accès à ses origines, les députés ont précisé que la nouvelle commission ad hoc qui traitera les demandes de personnes nées d'un don sera chargée de «recueillir et d'enregistrer» l'accord des donneurs «pour autoriser l'accès à leurs données non identifiantes et à leur identité». En clair, les ex-donneurs qui le souhaitent pourront se manifester et se dévoiler.
Enfin, l’autoconservation des ovocytes (pouvoir mettre en pause son horloge biologique en congelant ses ovocytes pour plus tard) est actée dans le projet de loi. Mais dans le souci d’éviter des dérives, les députés réunis en commission ont précisé que les frais de conservation des gamètes ne seront pas pris en charge par l’employeur - qui aurait pu inciter une femme à reporter une grossesse.