«Trahison», lance Greta Thunberg aux dirigeants mondiaux réunis à New York pour le sommet de l'ONU sur le climat. Elle les accuse de se contenter de «paroles creuses» tandis que débute «une extinction de masse». Dans cette lourde charge, l'adolescente suédoise ne semble pas faire le distinguo entre les gouvernements ouvertement climatosceptiques et ceux qui prétendent agir pour une transition écologique. Emmanuel Macron, qui revendique un leadership planétaire dans ce combat, a assez mal pris d'apprendre que la France et l'Allemagne étaient visées, au même titre que le Brésil, l'Argentine ou la Turquie, par le recours déposé lundi à l'ONU devant le Comité des droits de l'enfant par Greta Thunberg et une quinzaine de jeunes de son âge.
«Je ne suis pas sûr que ce soit la voie la plus efficace», a réagi le chef de l'Etat lundi sur Europe 1. Depuis New York où il assiste lui aussi au sommet de l'ONU, il a indiqué que si «toutes les mobilisations de notre jeunesse ou des moins jeunes» étaient «utiles», elles seraient bien inspirées de se concentrer plutôt «sur ceux qui sont le plus loin et qui essaient de bloquer». Or, selon lui, le gouvernement français, qui ferme les dernières centrales à charbon et met fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures, peut difficilement être rangé dans la catégorie de ceux «qui sont en train de bloquer».
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Quelques heures plus tôt, dans l'avion qui le transportait à New York, Macron a regretté devant plusieurs journalistes que la jeunesse mobilisée n'aille pas plutôt manifester «chez ceux qui ne veulent pas mettre en cohérence l'agenda climatique et commercial». Par exemple «en Pologne», a-t-il précisé. Lors du Conseil européen du 21 juin, la Pologne, suivie par la République tchèque, la Hongrie et l'Estonie, avait en effet refusé de s'engager sur un objectif de neutralité carbone en 2050.
Entre la lanceuse d'alerte suédoise et le président français, les choses avaient plutôt bien commencé. En février, elle avait été reçue à l'Elysée en compagnie de jeunes Européens. «Les jeunes ont raison, on n'en fait jamais assez. Mais évidemment selon les pays, selon les régions du monde, on voit bien que les situations sont différentes», avait alors commenté le ministre de la Transition écologique François de Rugy. «On a besoin de lanceurs d'alerte comme Greta Thunberg», s'emballait six mois plus tard sa secrétaire d'Etat Brune Poirson, qui avait alors tenu à être présente à l'Assemblée nationale pour entendre la jeune fille, invitée par le député ex-LREM Matthieu Orphelin. Mardi matin, sur France Inter, la même Brune Poirson était déjà moins enthousiaste : «Je ne suis pas sûre qu'on mobilise avec du désespoir, presque de la haine, en montant les uns contre les autres». Pour se faire comprendre, la secrétaire d'Etat a invoqué Churchill qui promettait, certes, «du sang et des larmes» mais aussi, «au bout du tunnel», «la victoire» et «l'espoir». La guerre contre le réchauffement climatique aurait-elle trouvé son Churchill ? Pour Poirson, pas de doute, il se trouve à l'Elysée.