Cela pourrait être l'heure de vérité pour le Conseil français du culte musulman (CFCM), secoué par des crises internes à répétition et en froid avec le gouvernement. Prévues pour se tenir le 19 octobre, les élections destinées à renouveler l'instance représentative de l'islam de France et ses déclinaisons régionales (les CRCM) ont été reportées au 9 novembre. Un cafouillage de calendrier ? Plutôt une imprudence. «Ce n'était pas possible de tenir les délais pour le 19 octobre, estime un responsable musulman. Personne ne pouvait se mobiliser en juillet-août, ce qui était nécessaire pour organiser ce scrutin en octobre. La plupart des dirigeants de mosquées sont, en effet, en vacances à ce moment-là.»
Même en repoussant ces élections de trois semaines, la partie est loin d’être gagnée pour le CFCM. Les mosquées vont-elles participer au scrutin ? C’est un réel enjeu pour l’instance, en panne de crédibilité. Ce sont les lieux de culte qui constituent le corps électoral. D’après les chiffres convergents, environ 3 000 mosquées et salles de prières seraient actuellement en activité en France. Selon les statuts du CFCM, elles disposent d’un nombre de délégués (les électeurs), d’un à six, selon leur taille, hormis pour la Grande Mosquée de Paris à qui ont été attribués huit délégués.
Perplexité
La participation au scrutin se fait sur la base du volontariat et les lieux de culte ont jusqu'au 30 septembre pour faire part de leur décision de participer ou non aux élections. Lors du dernier scrutin qui s'était tenu en 2013, à peine 900 d'entre eux avaient participé. Il faudra cependant attendre le 13 octobre pour connaître définitivement la liste des lieux de culte, le temps que la commission qui organise le scrutin examine les recours. «Je ne suis pas très optimiste sur la participation», avoue un dirigeant historique du CFCM.
Sur le terrain, il règne, de fait, une certaine perplexité. «Les responsables locaux ne comprennent pas très bien ce qu'il se passe», explique un leader musulman du sud de la France. Les préfectures, de leur côté, ont, en effet, lancé des consultations pour organiser en décembre de nouvelles concertations au niveau départemental. Les premières assises territoriales de l'islam de France s'étaient tenues à la fin de l'été 2018. Depuis quelques mois, un contentieux majeur oppose le CFCM et le ministère de l'Intérieur ; Christophe Castaner avait d'ailleurs boycotté le repas de rupture de jeûne, le 28 mai dernier, organisé par l'instance représentative.
Brouille
Cette absence avait été ressentie comme un affront chez les responsables du CFCM et avait officialisé la brouille entre le gouvernement et l’instance représentative. A l’occasion de la réforme des statuts du CFCM, l’exécutif aurait souhaité que les conseils départementaux du culte musulman soient mis en place. Ce que n’a pas avalisé l’instance représentative, craignant que cette valorisation de la base ne la marginalise.
L’affaire, pour le moment, en est là. Chacun désormais joue sa partie dans son coin. Si la mobilisation des mosquées pour le scrutin du 9 novembre était limitée, le CFCM pourrait bien perdre définitivement toute crédibilité. En ce qui concerne les listes de candidatures, elles seront officialisées le 19 octobre. Pour le moment, l’ensemble des grandes fédérations devraient participer, y compris Musulmans de France, la branche française des Frères musulmans qui avaient boycotté, au dernier moment, les élections de 2013.