Un homme perclus de mélancolie s’est éteint jeudi à 86 ans. Avec lui disparaît le plus fascinant mystificateur de la vie politique française. Prêt à tout pour conquérir le pouvoir mais sans trop savoir comment l’exercer ensuite. Capable de se montrer visionnaire sur la scène internationale mais impuissant en son propre pays. Gaulliste, c’est-à-dire ni de droite ni de gauche, pour mieux masquer son absence de convictions profondes… Pourtant, en rupture avec ses prédécesseurs de Gaulle et Mitterrand, il prendra cette décision historique de reconnaître la responsabilité de l’Etat français dans la rafle du Vél d’Hiv.
En proie depuis sa sortie de l'Elysée, en 2007, au pire des spleens, Jacques Chirac était une ombre. Celle d'un vieil homme un peu grivois, au surmoi envolé, et très handicapé physiquement. Perdu depuis longtemps dans des pensées inaccessibles aux autres, «le grand», comme l'appelaient les compagnons du RPR, avait rétréci. Un «déclin cognitif» lié à un accident vasculaire cérébral survenu en 2005. Ses pieds ne se soulevaient plus mais glissaient sur le sol pour mettre en branle sa carcasse voûtée. Toujours une main, souvent les deux, sur l'épaule d'un officier de sécurité ou d'un proche, pour trouver un appui et avancer. Il y avait aussi ce regard perdu ; cette bouche figée dans un rictus, avec le menton qui remonte et ne descend que pour remonter et se fixer à nouveau. Oui, définitivement «usé, vieilli, fatigué», comme l'avai