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Libération
Disparition

L’art à la manière de Chirac

Le fait d’armes de l’ex-président restera d’avoir porté à bout de bras le projet du musée du quai Branly à Paris, dévolu aux arts premiers trop longtemps déconsidérés.
Lors de l'inauguration du musée du quai Branly, le 20 juin 2006. (-/Photo AFP)
publié le 26 septembre 2019 à 20h11

«Chirac et le sport, un lien fort !» titrait l'Equipe sur son site, jeudi après-midi. Une rime moins évidente avec la culture, domaine pour lequel l'homme s'est principalement passionné à travers le prisme des arts premiers. A l'heure du bilan, c'est du moins cet aspect qui, de loin, prévaut, via le projet du musée du quai Branly, qu'il a porté à bout de bras dès 1995, année de son accession au pouvoir, jusqu'à son inauguration onze ans plus tard. Une institution d'envergure, célébrant les arts trop longtemps déconsidérés d'Asie, d'Afrique, d'Océanie et des Amériques, qui, à l'initiative de son président, Stéphane Martin, deviendra même le musée du quai Branly-Jacques Chirac en 2016, à l'occasion de son 10e anniversaire (un rare hommage anthume qui se fera sans l'ancien chef d'Etat, déjà trop affaibli pour apparaître en public).

Mais un lieu prestigieux, conçu en l’occurrence par l’architecte Jean Nouvel, et répondant d’une certaine façon au centre Pompidou, ou à la Bibliothèque nationale de France du site François Mitterrand, resterait-il comme l’arbre cachant une forêt de relative indifférence pour la culture ? Et ce, en dépit de bonnes intentions affirmées, comme lorsqu’en 1995, au moment du référendum sur la Constitution européenne, le Président assurait prêter la plus grande considération au secteur dans sa politique (et célébrait la qualité d’un traité sensible à l’idée d’une exception française). Un bilan a minima qui serait en outre entaché par des promesses non tenues (baisse de la TVA sur le prix du disque) ou la colère des intermittents du spectacle qui, sur fond de réforme du régime d’assurance chômage, occasionnera une sacrée pagaille en 2003.

Soutien loyal, Jean-Jacques Aillagon qui, de 2002 à 2004, fut un des cinq ministres de la Culture (dont deux de cohabitation) de Jacques Chirac en douze ans de règne, veille à élargir le spectre au moment de jauger le défunt : «N'oublions surtout pas le Chirac Premier ministre, qui pèsera de tout son poids pour empêcher le président Valéry Giscard d'Estaing de renoncer au centre Pompidou. Ni le maire de Paris, qui développera une véritable politique culturelle permettant aux grandes institutions de contribuer au rayonnement de la ville.»

«Tous les ministres de la Culture, y compris ceux de gauche, ont travaillé avec lui dans des conditions sereines, fondées sur le respect et la confiance», insiste l'ancien membre des premier et deuxième gouvernements Raffarin qui, ajoutant au quai Branly la création en 2002 au Louvre d'un département dédié aux arts de l'islam, salue un homme pour qui «la vision du monde moderne passait par un dialogue des cultures où l'Occident n'avait en aucun cas le monopole de l'excellence».

Lors de la campagne de 1995, on avait souri de la liste artistique des soutiens au candidat de droite, avec notamment les noms de Pierre Bachelet, Nana Mouskouri ou Michel Leeb. «Trop impatient pour tenir en place dans une salle de spectacle, la musique, pas plus que le théâtre, n'étaient son fort», confirme Jean-Jacques Aillagon. Tout en rappelant la capacité du personnage, «émerveillé», enfant, «par les bouquinistes et les vitrines des libraires et des antiquaires» (cf. ses Mémoires, parues en 2009), à exceller «en matière de poésie japonaise et de littérature chinoise ancienne».