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Libération
Interview

Boris Vallaud : «Le pillage en règle de la Sécu était annoncé»

publié le 29 septembre 2019 à 20h31

Pas moins de 5,4 milliards d’euros attendus en 2019 et 5,1 milliards en 2020. Le «trou de la Sécu» fait son retour dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale présenté ce lundi par Agnès Buzyn (Santé) et Gérald Darmanin (Comptes publics). Il y a un an, ce dernier déclarait triomphant que le trou de la Sécu était en passe d’être résorbé. Mais c’était sans compter des recettes plus faibles que prévu et les conséquences de «mesures d’urgences» post-gilets jaunes - exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, annulation des augmentations de CSG pour certains retraités, primes exceptionnelles versées par les employeurs sans cotisations. Jusqu’à présent, lorsque l’Etat touchait au financement de la Sécu, il compensait sous forme de transferts. Mais ça, c’est terminé : «La Sécurité sociale prendra à sa charge le financement des mesures d’urgence en faveur du pouvoir d’achat», écrit le gouvernement. Boris Vallaud, député du Parti socialiste et membre de la commission des affaires sociales, craint de nouvelles économies dans la sphère sociale.

Les comptes de la Sécurité sociale replongent dans le rouge. Quelle est votre réaction ?

Malheureusement, ce n’est pas une surprise : dès 2017, dans sa loi de programmation des finances publiques, le gouvernement avait décidé que les potentiels excédents de la Sécu viendraient combler le déficit de l’Etat. Le pillage en règle était annoncé. En revanche, lorsqu’il s’agit de déficits liés à des décisions du gouvernement, l’Etat ne compense plus ! C’est particulièrement injuste. Les comptes de la Sécu se retrouvent à nouveau en déficit alors que nous étions sur une trajectoire de retour à l’équilibre. Cela signifie que tous les efforts consentis depuis plusieurs années par les assurés sociaux ne serviront pas à dégager de l’argent pour financer les besoins dans l’hôpital, pour les personnes âgées, l’accueil de la petite enfance…

Selon vous, le gouvernement recrée le «trou de la Sécu» pour justifier de futures économies ?

C’est le risque. Avec en plus un aléa : en cas de retournement économique, la Sécu sera-t-elle en mesure d’absorber le choc, puisqu’on sape ses recettes et on alourdit ses dépenses ?

En clair : l’Etat a décidé de prendre à la Sécu ses potentiels excédents mais de lui laisser ses déficits…

Exactement. Ajoutez qu’il fait peser, par ses décisions, des charges nouvelles ! Les modes de financement de la Sécurité sociale ont besoin d’être sanctuarisés. Vous voyez bien la crise des urgences ! Comment va-t-on financer les plans d’aides annoncés ? On sent bien que pour ce gouvernement, le niveau de notre dépense sociale est trop élevé.

Recueilli par Lilian Alemagna