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Forêts

Des anti-chasse à courre devant la justice

Trois militants d’AVA comparaissent ce mardi pour «entrave au droit de chasse» dans l'Oise. Ils sont poursuivis par l'ONF, l’établissement public chargé de la gestion des forêts.
Des chasseurs de la Fédération de l'Oise le 18 août, pendant une battue au sanglier pour protéger un champ de maïs. (Photo Denis Allard pour Libération)
publié le 30 septembre 2019 à 19h08

Alors que les incidents se multiplient entre chasseurs et antispécistes dans l'Oise, l'ONF prend les devants et convoque trois militants en justice pour avoir fait «entrave au droit de chasse» sur son domaine. Trois membres du collectif AVA (Abolissons la Vénerie Aujourd'hui) sont convoqués, mardi, devant le tribunal de grande instance de Compiègne pour avoir «violé de manière grave la propriété forestière de l'Etat». L'établissement public leur réclame 38 000 euros pour avoir troublé le bail passé entre l'ONF et deux sociétés de chasse du département, la Futaie des amis et l'équipage de Rivecourt.

«A partir du moment où les chasseurs ne peuvent plus jouir pleinement de leur bail, j'estime que les responsables de ces troubles doivent payer de leur poche», avance l'avocat de l'ONF. Deux sociétés de chasse signent tous les douze ans un bail avec l'organisme pour pouvoir réguler le gibier sur son territoire. L'année dernière, l'établissement a déjà remboursé 10 000 euros aux chasseurs au titre du préjudice subi. Une somme bien inférieure au montant des baux, selon les chasseurs, qui ont encouragé l'ONF à se retourner contre les militants d'AVA, principaux responsables, selon eux, des incidents en forêt.

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«Les accusations ne tiennent pas la route, fustige l'avocat des prévenus, Jean-Robert Nguyen Phung, c'est comme si vous convoquiez les représentants publics des gilets jaunes pour les dégâts causés à l'Arc de triomphe.» Dans l'acte d'assignation, les trois militants sont ainsi désignés comme les «meneurs» du groupe pour avoir déclaré une manifestation au nom du collectif, l'année dernière. «Vous ne pouvez pas choisir trois personnes au hasard, au titre qu'ils auraient déclaré une manifestation à la préfecture, cela n'a ni queue ni tête», poursuit leur avocat.

«Se jeter dans la gueule du loup»

«Ils veulent décapiter le mouvement», s'indigne Stanislas Broniszewski, l'un des trois prévenus, et membre revendiqué d'AVA – les deux autres ayant quitté le mouvement l'année dernière. Avec près de 700 bénévoles, et neuf antennes en France, le collectif milite pour l'interdiction de la chasse à courre et «surveille» les chasseurs. Dans les pas de l'association L214, les militants traquent les «maltraitances» animales, armés de leurs caméras GoPro, et de leurs vélos.

«Nous sommes nés d'un rassemblement de citoyens qui ne supportaient plus de voir les chasseurs terminer leurs courses dans les jardins, ou sur les routes, mettant en danger les animaux», écrivent-ils. Lors de la dernière saison, le collectif a recensé une vingtaine d'incidents avec les chasseurs en forêt. Des rencontres souvent tendues, aboutissant parfois à des dépôts de plainte. Comme cet été, à Rennes. Cinq chasseurs ont été condamnés pour avoir agressé des militants d'AVA et plongé la tête de l'un d'eux dans une mare. «Dès qu'on s'approche un peu trop de la chasse, ils viennent sur nous, ils essaient d'arracher nos caméras GroPro, décrit Stanislas Bronisweski. Nous savions que s'attaquer à la chasse dans des villes comme Compiègne, Senlis ou Rambouillet, c'était se jeter dans la gueule du loup, mais pas à ce point…»

«Black blocks des forêts»

De leur côté, les chasseurs décrivent des militants «hostiles» et «virulents» qui «n'hésitent pas à effrayer les chiens, les chevaux et à bloquer certains passages». Dans le document remis aux juges, l'ONF dénonce ces «opposants en nombre et très agressifs, qui empêchent ses locataires d'user de leur droit de chasse». C'est précisément pour «échapper à tout risque de poursuite judiciaire que les membres d'AVA se seraient abstenus de se mettre en association et ont choisi d'agir dans une forme de clandestinité», avance Rémi-Pierre Drai, avocat de l'ONF.

Tandis que la réforme de la chasse était débattue au Sénat, Jérôme Bascher (LR) n'avait pas hésité à présenter les militants d'AVA comme de furieux «black blocks des forêts». Par un hasard du calendrier, la commission des lois examinera mardi une proposition de loi visant à «réprimer les entraves à l'exercice des libertés autorisées par la loi». Au mois d'avril, un amendement similaire avait été proposé par le sénateur Jean-Noël Cardoux (LR) avant d'être retoqué par la commission mixte du Parlement, le gouvernement préférant étendre ce délit à d'autres pratiques que la chasse. Comme un avertissement aux nouveaux «ultras» de la cause animale.