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Libé des géographes

Sécurité sociale : vers le remboursement de la pilule pour toutes ?

Pour 2020, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale du gouvernement prévoit d'étendre la prise en charge intégrale des moyens de contraception aux mineurs de moins de 15 ans. Peut être la fin d'une injustice et d'une fracture territoriale.
Manifestation pour les droits des femmes à Paris, en janvier 2015. (Photo Lionel Bonaventure. AFP)
par Xavier Daban, doctorant en géographie du droit, Université de Rouen et Mélina Ramos-Gorand, docteure en géographie
publié le 3 octobre 2019 à 10h12

A la faveur du nouveau projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2020 le gouvernement souhaite étendre la prise en charge intégrale des moyens de contraception aux mineurs de moins de 15 ans. Jusqu’à maintenant, seules les jeunes femmes de plus de 15 ans pouvaient bénéficier d’une telle prise en charge qui intègre pilule, pilule du lendemain et examens gynécologiques et biologiques liés.

Le coût de la bagatelle

Proposer d'élargir le remboursement des soins et des contraceptifs aux jeunes filles c'est d'abord lutter contre le frein financier que représente le coût de ces dispositifs pour les publics concernés. Sans remboursement ni d'avance de frais, impossible pour des jeunes filles mineures le plus «souvent en situation de fragilité», comme l'énonce le gouvernement dans l'avant-projet de loi, de trouver des solutions à leur problème.

Gérer sa contraception avec son argent de poche ?

Si la France présente l’un des taux de couverture contraceptive les plus élevés au monde avec 90% des femmes de 15-49 ans sexuellement actives selon l’Ined utilisant un moyen de contraception (dont 91% chez les 15-19 ans) le taux tombe drastiquement pour les jeunes filles de moins de 15 ans et mille jeunes filles de moins de 15 ans tombent enceintes chaque année. Des grossesses qui débouchent dans l’immense majeure partie des cas sur une IVG. Devoir financer examen et contraception, à 15 ans, ne devient possible qu’avec l’appui de ses parents ou de proches, une situation qui place les jeunes filles dans une situation de dépense que dénoncent les acteurs de la contraception des jeunes.

Derrière la contraception des jeunes filles, encore une fracture territoriale

Mais la moyenne nationale cache une véritable fracture territoriale qui interroge le géographe. Si l’on observe les chiffres publiés par la direction statistique du ministère de la Santé (Drees), les taux de recours à l’IVG, proches de 15 pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, sont les plus élevés dans les Drom, en Ile-de-France et dans les régions du sud de la France (Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse), où ils dépassent le taux 16 IVG pour 1 000 femmes. Et si l’on affine, le taux y est de 6,6 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 17 ans. La situation est encore plus inquiétante dans les départements et région d’outre-mer (Drom) où les taux atteignent 33 IVG pour 1 000 femmes en Guyane et Guadeloupe, avec des taux également plus élevés pour les mineures.

A l’intérieur des Drom eux-mêmes les inégalités sont criantes : 13,6 pour 1000 «seulement» chez les moins de 18 ans à la Réunion, 14,8 en Guadeloupe contre 4,0 à 8,8 pour les mineures des régions métropolitaines. Les Drom français se rapprochent donc étrangement des modèles anglo-saxons, qui connaissent un nombre et un taux bien plus importants de grossesses adolescentes que les autres pays développés, pour des questions majoritairement. Loin de mettre au centre des questions culturelles, ce sont la pauvreté, l’isolement familial et les problèmes d’accès aux soins qui font de ces endroits des territoires perdus de la contraception.