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Libération
Chronique «l'Âge bête»

Cet automne, la punaise diabolique débarque (peut-être) chez vous

Cet insecte invasif venu d'Asie, qui ne pique pas l'humain, gagne peu à peu la France et se retrouve dans les maisons et les champs.
Une punaise diabolique. (Photo Alpsdake. Creative commons)
publié le 6 octobre 2019 à 15h49

Tous les dimanches, retrouvez la chronique «l'Age bête», le rendez-vous animal de Libération.

Un vol de milliers de punaises qui viennent se coller au plafond de votre salon. Vision d'épouvante pour les âmes sensibles. Dans le Var, la scène est récurrente. Et typique de la punaise dite «diabolique» (ou halyomorpha halys). Arrivée d'Asie il y a quelques années, ce gros énergumène gris ou brun tacheté de blanc est une espèce dite «invasive» qui fait de plus en plus parler de lui.

En Nouvelle-Zélande, on utilise même des chiens spéciaux pour renifler les voitures importées du Japon dans lesquelles elle se niche pour voyager. Entrée par le sud de la France, cette envahisseuse étend rapidement son aire d'influence et peut, dans certains cas, remplacer la faune locale. Mais elle ne pique pas l'humain et provoque, au pire, des réactions allergiques si elle est présente en très grand nombre. Comme ses congénères punaises, dont on connaît 30 000 espèces, elle émet une odeur particulière.

En troupe

En fin d'été et l'automne, elle cherche un abri douillet pour passer l'hiver. Toujours en troupe, jamais seule. «Les punaises diaboliques utilisent des phéromones d'agrégation, des signaux chimiques qui les poussent à se rassembler. Dans le milieu naturel, elles font ça dans des grottes, mais avec l'adaptation au milieu urbain elles vont dans les maisons», explique Romain Garrouste, naturaliste du muséum national d'Histoire naturelle. Quand elles ne poussent pas jusque dans les habitations, on les retrouve dans des tas de bois, les garages, les parasols repliés.

«Il ne faut pas s'affoler. Il faut les piéger mécaniquement, les évacuer, les écraser ou les mettre dans les toilettes mais pourvu qu'on n'utilise pas de produits chimiques qui nous intoxiquent ainsi que l'environnement», précise le chercheur. On peut aussi essayer de les tenir à distance avec une huile essentielle de menthe. Chaque citoyen peut signaler la présence de punaises à l'Inventaire national du patrimoine naturel (INPN) via des photos. Des naturalistes confirment le nom de l'espèce présente et obtiennent en échange un aperçu de la répartition géographique de l'invasive. Leur identification reste difficile. «Même les élèves qui sortent des écoles d'agronomie ne savent pas reconnaître précisément les espèces, précise Romain Garrouste. La perte de connaissance naturaliste précise de la biodiversité est un problème, y compris dans nos champs.»

Signal positif dans les champs

Là aussi, la diabolique est surveillée. Elle peut manger 120 plantes différentes, dont des cultures fruitières. Mais elle n'est pas la seule à réinvestir les terres : la punaise verte nezara viridula, bien connue des cultivateurs de tomates, et les espèces locales sont aussi de retour. Une bonne nouvelle selon Romain Garrouste : «C'est un indicateur qui montre l'augmentation de la biodiversité dans l'agriculture où les méthodes raisonnées sont plus utilisées.» Celles amatrices de fruits et de graines peuvent poser problème aux agriculteurs, mais d'autres sont des mangeuses d'animaux. Considérées comme des auxiliaires, celles-ci grignotent les cochenilles, pucerons ou encore acariens prédateurs de cultures. Certaines punaises ne sont donc pas si diaboliques.