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Libération

Paris : les anti-PMA montent au fiel

Des militants hostiles à l’ouverture de la procréation médicalement assistée à toutes les femmes ont défilé dimanche. Si la mobilisation, estimée à 75 000 personnes n’a pas atteint celles de 2013, elle augure de nouvelles batailles.
La plupart des manifestants avaient déjà défilé en 2012-2013 contre la loi Taubira. (Photo Lucile Boiron pour Libération)
publié le 6 octobre 2019 à 21h01

La sono donne à fond. Elle envoie du Stromae, le fameux Papaoutai, détourné, pour la circonstance, par les anti-PMA pour toutes qui défilaient, dimanche, dans les rues de Paris. «T'es où papa, papa où t'es ?» chantait, en 2013, la star belge. La foule reprend à peine. Mais qu'importe, cela donne le ton.

«Liberté, égalité, paternité», clament les manifestants, venus crier leur opposition à la loi bioéthique, en réécrivant la devise républicaine. Ils sont là à l'appel d'un collectif d'une vingtaine d'associations, «Marchons enfants». Ils crient surtout leur détestation de la PMA pour toutes (en première lecture à l'Assemblée), l'abomination des abominations à leurs yeux. Pour ceux qui battent le pavé, c'est ni plus ni moins que la fin annoncée des pères.

«Nous entrons dans le monde de la marchandisation du corps et nous voyons le retour de l'esclavagisme», prophétise carrément, en faisant allusion à la GPA, Patrice Obert, le président des Poissons roses, une microscopique association de chrétiens de gauche égarée dans ce combat. «Ce que nous demandons, c'est un moratoire concernant la loi», appuie de son côté Pascale Morinière, la présidente des Associations familiales catholiques (AFC), l'organisation en pointe sur le terrain pour assurer la mobilisation. «Il faudrait appliquer le principe de précaution à l'humain», plaide-t-elle.

Sur le parcours qui longe d’abord le jardin du Luxembourg et le Sénat, où la loi sera en débat en janvier, les manifestants agitent frénétiquement leurs drapeaux vert et orange. Peut-être nostalgiques, certains ont ressorti leur attirail de la Manif pour tous. Comme pour un déjeuner de famille, c’est un dimanche de retrouvailles. Il y a là des vieux, des personnes entre deux âges et des plus jeunes. Des familles à poussettes. Essentiellement des catholiques, dont beaucoup étaient déjà là pour les grandes manifestations de 2012-2013 contre la loi Taubira instaurant le mariage pour tous.

En 2019, les stars ne sont plus tout à fait les mêmes. Exit le cardinal Philippe Barbarin, empêtré dans ses ennuis judiciaires (son procès en appel aura lieu le 28 novembre) pour ne pas avoir dénoncé les agissements pédocriminels, à Lyon, de l'abbé Preynat. C'est la députée Agnès Thill (ex-LREM) qui remporte désormais les suffrages des manifestants. «Agnès présidente», réclame la foule.

«Dégueulasse». Très tôt ce dimanche, Sylvie et Jean-Pierre, la soixantaine, ont pris le car au Puy-en-Velay (Haute-Loire) pour venir battre le pavé parisien. «Pour dire simplement que nous ne sommes pas d'accord», explique Sylvie, infirmière. Postière, Marie-Annick, elle aussi du Puy-en-Velay, fustige de son côté le futur remboursement par la Sécu des PMA. «C'est dégueulasse, dit-elle très violemment. Ce n'est pas une maladie.»

Après avoir longtemps hésité, une famille de Monfort-l'Amaury (Yvelines) a pris sa voiture pour rejoindre la manifestation parisienne. Ils étaient déjà de celles de 2012-2013. «A l'époque, nous n'avons pas été écoutés.» Le couple est accompagné de ses trois enfants, une fille (13 ans) et deux garçons (10 ans et 8 ans). «Nous les avons eus sur le tard, dit la femme. Et nous savons l'importance du rôle du père.» Ce discours-là revient en boucle.

Mais chacun reconnaît déjà peu ou prou que les dés sont jetés. Un baroud d'honneur, cette manifestation ? «Rien n'est jamais joué d'avance en politique», veut cependant croire Albéric Dumont, vice-président de la Manif pour tous, plus discrète qu'il y a six ans. Devant les télévisions, le responsable plaide que c'est peut-être l'aube d'une grande mobilisation…

Soutanes. Dans la foule des manifestants qui plonge désormais vers la gare Montparnasse, on croise par hasard Alain Escada, le leader de Civitas, une petite organisation d'extrême droite proche des intégristes catholiques. Très bruyant il y a six ans, il est désormais plus discret.

Il y a aussi quelques soutanes, des prêtres traditionalistes de la Fraternité Saint-Pierre ou du diocèse de Versailles. Des manifestants viennent saluer un évêque qu'on reconnaît à la grande croix sur sa poitrine. Il y en a très peu dans le cortège. «J'ai répondu à l'invitation du président Emmanuel Macron qui nous avait demandé, à nous catholiques, de nous engager dans les débats de société», explique ironiquement Bruno Valentin, l'évêque auxiliaire du diocèse de Versailles.

A l’arrivée de la manif, la foule conspue copieusement Macron et son gouvernement. La bataille des chiffres, elle, a déjà commencé. Sans rire, les organisateurs (qui ont sans doute des visions) revendiquaient 600 000 manifestants. Selon le comptage réalisé par le plus fiable cabinet Occurrence, ils étaient 74 500. C’est moins qu’il y a six ans. Mais c’est déjà beaucoup…