Ne pas laisser tomber le couperet du plan social sans avoir lutté jusqu'au bout. En pointe dans le combat contre les 792 suppressions de postes annoncées le 28 mai par General Electric (GE) dans son usine de turbines à gaz de Belfort, les syndicats CFE-CGC et SUD ont décidé d'attaquer l'Etat en justice. Ils ont saisi lundi le tribunal administratif de Paris «pour mettre en cause la responsabilité de l'Etat français dans le non-respect de l'accord de 2014 signé avec GE» au moment du rachat de la branche énergie d'Alstom par le géant américain. La plainte s'appuie notamment sur l'article 3 de l'accord conclu le 4 novembre 2014 entre le gouvernement français et General Electric, avec les signatures du ministre de l'Economie de l'époque, un certain Emmanuel Macron, et Jeff Immelt, alors PDG de GE. Pour l'entité «turbines à gaz», ce document stipulait plusieurs engagements à même de garantir l'emploi, au-delà de la promesse faite par GE de créer 1 000 emplois que l'américain n'a pas respectée, préférant payer une amende de 50 millions d'euros.
L'alinéa 3.4 précisait ainsi que «les quartiers généraux européens actuels de GE pour les activités turbines à gaz de grande taille […] demeurer[aient] à Belfort». L'alinéa 3.5 prévoyait que «les équipes de direction mondiale […] ser[aient] situées en France». Et le 3.6 garantissait que ces engagements resteraient en vigueur pour dix ans.
Or, dès 2015-2016, «GE a transféré la direction de l'activité turbines à gaz aux Etats-Unis et le centre de décision européen en Suisse, et Belfort a perdu toute marge de manœuvre. Les accords ont été totalement bafoués et les bénéfices aspirés ailleurs», pointe Philippe Petitcolin, délégué CFE-CGC et porte-parole de l'intersyndicale. Le retournement du marché des turbines pour centrales à gaz et les difficultés de GE ont fait le reste : l'usine de Belfort s'est retrouvée ciblée par un plan d'économies de 70 millions d'euros.
Après cinq semaines de négociations et une ultime réunion avec la direction jeudi, la CFE-CGC et SUD ont donc décidé de mettre l’Etat devant ses responsabilités. D’autant que Macron est aujourd’hui à l’Elysée et que c’est l’un de ses anciens conseillers à Bercy, Hugh Bailey, qui dirige aujourd’hui GE France.